Alors que les outils informatiques et numériques sont depuis longtemps implantés dans les entreprises comme outil de travail et de communication, l’engouement des entreprises et du législateur est tout autre lorsqu’il s’agit de mettre ces mêmes outils à disposition des organisations syndicales et des instances représentatives du personnel.
L’entreprise change, les salariés sont plus mobiles, ils s’expatrient, ils télétravaillent, ils sont mis à disposition, etc. il va de soi que les tracts diffusés « aux heures d’entrée et de sortie du travail » (selon la formule du Code du travail) et les affichages ne sont plus adaptés à l’entreprise telle qu’on la connaît.
Si les organisations syndicales, comme les institutions représentatives du personnel souhaitent à leur tour utiliser ces nouveaux outils, force est de constater qu’il s’agit d’un parcours semé d’embûches.
Ce n’est qu’en mai 2004 que la question trouve place dans le Code du Travail. il ne s’agissait là que d’une simple faculté de négocier. il aura fallu la loi dite « travail » d’août 2016 pour qu’un droit soit créé en faveur des organisations syndicales, encore que... Présenté comme une réelle avancée, de quoi s’agit-il vraiment ? Le texte de l’article L.2142-6 du Code du travail prévoit qu’à défaut d’accord, les organisations syndicales peuvent mettre à disposition des publications et tracts sur un site syndical accessible à partir de l’intranet de l’entreprise.
En somme, si vous disposez d’un site syndical et si l’entreprise dispose d’un intranet, elle devra y mettre un lien vers votre site. Rien de plus. L’usage de la messagerie électronique pour les e-tracts reste soumis à négociation et, donc, à acceptation de l’employeur. Rien n’est prévu en matière de campagne électorale non plus.
NB : cette faculté se limite aux organisations syndicales présentes dans l’entreprise et satisfaisant aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans. On constate qu’il existe là une dualité de régime puisqu’en matière d’affichage et de diffusion des communications syndicales à l’intérieur de l’entreprise, la jurisprudence se contente d’exiger la seule création d’une section syndicale (Cass. soc., 23 mai 2012 n°i 1-14.930).
On comprend donc bien que la voie à privilégier demeure, comme c’est le cas depuis 2004, celle de la négociation collective.
NB : il n’existe pas d’obligation de négocier ou de conclure un accord. il arrive régulièrement que l’employeur choisisse une mise en place unilatérale via une charte, par exemple.
Le Code du travail précise, en outre, que l’utilisation des outils numériques doit satisfaire aux conditions suivantes :
En revanche, il ne précise pas ce que doit contenir un pareil accord. Ces accords contiennent généralement :
Des limitations quant au contenu des informations diffusées.
La jurisprudence a en effet admis qu’il était possible de limiter aux informations ayant un rapport avec la situation sociale existante de l’entreprise (Cass. soc., 22 janvier 2008, n°06-40.514).
Les conditions techniques de diffusion des e-tracts. Il peut s’agir d’heures de diffusion ou de contraintes en termes de nombre de messages, nombre de caractères, de poids des messages ou des fichiers, par exemple.
En outre, la CNIL avait rappelé certains principes qui devraient également trouver place dans l’accord, notamment :
NB : la jurisprudence reconnaît à l’employeur la possibilité de sanctionner un élu qui ne respecte les règles fixées par l’accord. Dans un arrêt rendu le 12 juillet 2017 (Cass. Soc, n°15-27.742), l’accord signé par les organisations syndicales avait prévu l’interdiction de courriel groupé ce qui a valu à l’élu une suspension de sa messagerie pour une durée de 30 jours. il en est de même s’il est procédé à diffusion à défaut d’accord.
Le Code du travail vise les informations syndicales. Rien n’est prévu pour les instances représentatives du personnel.
A titre d’exemple, l’accord peut néanmoins prévoir :
Le point de vue d’Atlantes
Si le législateur n’entend pas vivre avec son temps, il reviendra aux partenaires sociaux le soin de négocier. A notre sens, une négociation plus globale pourrait intervenir sur le sujet, sur l’utilisation des outils informations par les organisations et les IRP dans le cadre d’un accord portant sur le droit syndical. |
La loi Léotard l’affirmait dès le 30 septembre 1986 (loi n°86-1067) : « la communication au public par voie électronique est libre ».
Une organisation syndicale peut toujours créer un site externe, un blog, voire une page sur les réseaux sociaux.
Le point de vue d’Atlantes
A notre sens, les instances représentatives du personnel pourraient également disposer d’un site externe à l’entreprise. Mais, si le CE peut financer l’outil sur ses budgets, il ne lui est pas possible de financer un site pour les DP ou le CHSCT, ce qui en fait un objet de négociation. Un blog gratuit peut être une solution, faute de mieux. |
Les instances représentatives du personnel sont tenues à une obligation de discrétion et peuvent être tenues par la confidentialité. En revanche, la jurisprudence nous indique que les syndicats ne peuvent diffuser, sur leur site internet des informations confidentielles sur la politique salariale et la rentabilité de l’entreprise dans la mesure où cela porte atteinte aux intérêts légitimes de l’entreprise (Cass. soc., 5 mars 2008, n°06-18.907). Cela appelle donc à vigilance quant aux informations transmises sur un site externe.
En tout état de cause, informations confidentielles ou pas, il est conseillé de prévoir un accès sécurisé au site et réservé aux salariés de l’entreprise.
Le Code du travail soumet les affiches, publications et tracts au respect des dispositions relatives à la presse (article L.2142-5 du Code du travail). Sont ici visés les délits tels que l’injure ou la diffamation publique. La personne visée n’a d’ailleurs pas à être nommée ou expressément visée. La loi et les nombreuses jurisprudences qui en découlent sont évidemment transposables aux publications effectuées sur la toile.
Si le syndicat, en sa qualité de personne morale ne peut être poursuivi, il en est tout autre pour le délégué syndical ou l’élu à l’origine de la publication.
Au regard des lois de la presse, sera recherchée la responsabilité du directeur de publication du site internet. La responsabilité de l’auteur, s’il est distinct, sera elle recherchée comme complice.
Ces règles sont également applicables aux réseaux sociaux : Facebook, Twitter ou autre. A l’heure ou tout à chacun a un accès à internet, il convient de faire preuve d’un maximum de vigilance.
En effet, si certains moyens de contrôle existent pour celui qui exerce le rôle de modérateur, le rythme y est différent et les règles de confidentialité pas toutes évidentes.
Pour plus d’éléments sur le sujet, nous vous invitons à lire l’article « #réseaux sociaux et vie privée ».
par Maxence DEFRANCE, Juriste
Alors que les outils informatiques et numériques sont depuis longtemps implantés dans les entreprises comme outil de travail et de communication, l’engouement des entreprises et du législateur est tout autre lorsqu’il s’agit de mettre ces mêmes outils à disposition des organisations syndicales et des instances représentatives du personnel.
L’entreprise change, les salariés sont plus mobiles, ils s’expatrient, ils télétravaillent, ils sont mis à disposition, etc. il va de soi que les tracts diffusés « aux heures d’entrée et de sortie du travail » (selon la formule du Code du travail) et les affichages ne sont plus adaptés à l’entreprise telle qu’on la connaît.
Si les organisations syndicales, comme les institutions représentatives du personnel souhaitent à leur tour utiliser ces nouveaux outils, force est de constater qu’il s’agit d’un parcours semé d’embûches.
Ce n’est qu’en mai 2004 que la question trouve place dans le Code du Travail. il ne s’agissait là que d’une simple faculté de négocier. il aura fallu la loi dite « travail » d’août 2016 pour qu’un droit soit créé en faveur des organisations syndicales, encore que... Présenté comme une réelle avancée, de quoi s’agit-il vraiment ? Le texte de l’article L.2142-6 du Code du travail prévoit qu’à défaut d’accord, les organisations syndicales peuvent mettre à disposition des publications et tracts sur un site syndical accessible à partir de l’intranet de l’entreprise.
En somme, si vous disposez d’un site syndical et si l’entreprise dispose d’un intranet, elle devra y mettre un lien vers votre site. Rien de plus. L’usage de la messagerie électronique pour les e-tracts reste soumis à négociation et, donc, à acceptation de l’employeur. Rien n’est prévu en matière de campagne électorale non plus.
NB : cette faculté se limite aux organisations syndicales présentes dans l’entreprise et satisfaisant aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans. On constate qu’il existe là une dualité de régime puisqu’en matière d’affichage et de diffusion des communications syndicales à l’intérieur de l’entreprise, la jurisprudence se contente d’exiger la seule création d’une section syndicale (Cass. soc., 23 mai 2012 n°i 1-14.930).
On comprend donc bien que la voie à privilégier demeure, comme c’est le cas depuis 2004, celle de la négociation collective.
NB : il n’existe pas d’obligation de négocier ou de conclure un accord. il arrive régulièrement que l’employeur choisisse une mise en place unilatérale via une charte, par exemple.
Le Code du travail précise, en outre, que l’utilisation des outils numériques doit satisfaire aux conditions suivantes :
En revanche, il ne précise pas ce que doit contenir un pareil accord. Ces accords contiennent généralement :
Des limitations quant au contenu des informations diffusées.
La jurisprudence a en effet admis qu’il était possible de limiter aux informations ayant un rapport avec la situation sociale existante de l’entreprise (Cass. soc., 22 janvier 2008, n°06-40.514).
Les conditions techniques de diffusion des e-tracts. Il peut s’agir d’heures de diffusion ou de contraintes en termes de nombre de messages, nombre de caractères, de poids des messages ou des fichiers, par exemple.
En outre, la CNIL avait rappelé certains principes qui devraient également trouver place dans l’accord, notamment :
NB : la jurisprudence reconnaît à l’employeur la possibilité de sanctionner un élu qui ne respecte les règles fixées par l’accord. Dans un arrêt rendu le 12 juillet 2017 (Cass. Soc, n°15-27.742), l’accord signé par les organisations syndicales avait prévu l’interdiction de courriel groupé ce qui a valu à l’élu une suspension de sa messagerie pour une durée de 30 jours. il en est de même s’il est procédé à diffusion à défaut d’accord.
Le Code du travail vise les informations syndicales. Rien n’est prévu pour les instances représentatives du personnel.
A titre d’exemple, l’accord peut néanmoins prévoir :
Le point de vue d’Atlantes
Si le législateur n’entend pas vivre avec son temps, il reviendra aux partenaires sociaux le soin de négocier. A notre sens, une négociation plus globale pourrait intervenir sur le sujet, sur l’utilisation des outils informations par les organisations et les IRP dans le cadre d’un accord portant sur le droit syndical. |
La loi Léotard l’affirmait dès le 30 septembre 1986 (loi n°86-1067) : « la communication au public par voie électronique est libre ».
Une organisation syndicale peut toujours créer un site externe, un blog, voire une page sur les réseaux sociaux.
Le point de vue d’Atlantes
A notre sens, les instances représentatives du personnel pourraient également disposer d’un site externe à l’entreprise. Mais, si le CE peut financer l’outil sur ses budgets, il ne lui est pas possible de financer un site pour les DP ou le CHSCT, ce qui en fait un objet de négociation. Un blog gratuit peut être une solution, faute de mieux. |
Les instances représentatives du personnel sont tenues à une obligation de discrétion et peuvent être tenues par la confidentialité. En revanche, la jurisprudence nous indique que les syndicats ne peuvent diffuser, sur leur site internet des informations confidentielles sur la politique salariale et la rentabilité de l’entreprise dans la mesure où cela porte atteinte aux intérêts légitimes de l’entreprise (Cass. soc., 5 mars 2008, n°06-18.907). Cela appelle donc à vigilance quant aux informations transmises sur un site externe.
En tout état de cause, informations confidentielles ou pas, il est conseillé de prévoir un accès sécurisé au site et réservé aux salariés de l’entreprise.
Le Code du travail soumet les affiches, publications et tracts au respect des dispositions relatives à la presse (article L.2142-5 du Code du travail). Sont ici visés les délits tels que l’injure ou la diffamation publique. La personne visée n’a d’ailleurs pas à être nommée ou expressément visée. La loi et les nombreuses jurisprudences qui en découlent sont évidemment transposables aux publications effectuées sur la toile.
Si le syndicat, en sa qualité de personne morale ne peut être poursuivi, il en est tout autre pour le délégué syndical ou l’élu à l’origine de la publication.
Au regard des lois de la presse, sera recherchée la responsabilité du directeur de publication du site internet. La responsabilité de l’auteur, s’il est distinct, sera elle recherchée comme complice.
Ces règles sont également applicables aux réseaux sociaux : Facebook, Twitter ou autre. A l’heure ou tout à chacun a un accès à internet, il convient de faire preuve d’un maximum de vigilance.
En effet, si certains moyens de contrôle existent pour celui qui exerce le rôle de modérateur, le rythme y est différent et les règles de confidentialité pas toutes évidentes.
Pour plus d’éléments sur le sujet, nous vous invitons à lire l’article « #réseaux sociaux et vie privée ».
par Maxence DEFRANCE, Juriste
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