Pour autant, ce sujet reste encore trop peu traité par les entreprises ou seulement par le biais de contrôles et de sanctions disciplinaires. L’absence de cadre légal et les raisons multifactorielles qui poussent les salariés à ces pratiques expliquent la frilosité des employeurs à s’en saisir. En effet, la réglementation est très succincte sur le sujet de l’alcool et inexistante pour le reste2.
Il y a donc un intérêt à agir et cela fait partie intégrante des missions des membres du CSE et de la CSSCT lorsqu’elle existe. Le rôle du CSE sur le sujet peut être multiple, « faire reconnaître » à l’employeur le lien entre le travail et certaines conduites addictives, s’assurer du respect des droits des salariés dans le cadre des tests, être actif dans la prévention des risques liés aux conduites addictives.
Le CSE : établir le lien entre travail
& conduites addictives
Il existe, en milieu de travail, deux types d’addictions comportementales : le workaholisme (dépendance au travail) et la technodépendance (internet, courriels, téléphone portable…).
Au-delà de ces deux addictions liées directement au travail, le travail peut avoir un impact sur les pratiques addictives, il peut renforcer, parfois même générer une pratique addictive. Il existe plusieurs facteurs professionnels favorisant les conduites addictives :
• La disponibilité et l’offre des produits :
l’offre d’alcool dans le secteur de la restauration ou l’offre
de médicaments dans le secteur du soin ;
• Les pratiques culturelles et socialisantes :
la consommation lors des pots en entreprise, des séminaires,
ou lors des congrès ou repas d’affaires ;
• La précarité professionnelle :
toute incertitude professionnelle suscitant du stress
(menace de fermeture d’entreprise, plan de restruc-
turation, fusion d’entreprise avec réduction de personnel) ;
• Les tensions psychiques :
un excès de responsabilités ou une activité alternant
surcharge puis ennui, stress, travail en contact avec le
public, harcèlement, brimades ;
• La pauvreté des relations sociales :
un poste isolé ou un manque de soutien de la part de la
hiérarchie ou des collègues ;
• La culture d’entreprise :
une culture de l’excellence et/ ou de l’efficacité à tout
prix, des objectifs fixés trop élevés, l’usage exponentiel
des technologies de l’information et de la communication.
Le CSE et la CSSCT doivent veiller au contexte organisationnel et rechercher en cas de conduites addictives, s’il existe un quelconque lien avec le travail, afin d’améliorer l’environnement de travail dans une démarche préventive.
Le CSE : veiller au respect
de la réglementation sur les tests
Le CSE doit connaître le peu de règles établies pour la réalisation des tests sur les lieux et temps de travail afin d’en assurer le respect. Pour pouvoir pratiquer des tests d’alcoolémie ou de dépistage de drogue, l’employeur doit :
• mentionner leur recours dans le règlement intérieur
et les postes concernés par ces tests. Il doit être réservé
aux salariés qui, par la nature de leur travail sont en
mesure d’exposer les personnes ou les biens à un danger ;
• informer les salariés susceptibles de faire l’objet d’un
tel contrôle et des raisons qui le justifient ;
• prévoir la possibilité pour le salarié d’être assisté et
de contester les résultats des tests (possibilité de contre-
expertise).
NB : En cas de modification du règlement intérieur, le CSE doit nécessairement être consulté. Vous pourrez alors donner votre avis sur la procédure interne prévue et faire part de vos remarques ou contre-propositions. Il peut être opportun de faire inscrire dans le règlement intérieur que le CSE recevra l’information si des tests sont effectués sur des salariés.
Le CSE : jouer un rôle préventif actif
Le CSE peut jouer un rôle important dans la prévention des addictions sur les lieux de travail de plusieurs manières :
• En informant les salariés sur les risques liés aux différentes
formes d’addiction et sur les moyens de les prévenir ;
• En proposant des actions de prévention, comme des ateliers
de sensibilisation ou des campagnes de communication ;
• En mettant en place des dispositifs de soutien et d’accompagnement pour les salariés en situation de dépendance ou en risque de le devenir (médecin, psychologue, groupe de paroles) ;
• En veillant à ce que les politiques de l’entreprise en matière
de santé et de sécurité au travail prennent en compte les
risques liés aux addictions (notamment via le DUERP).
• En suggérant aux partenaires sociaux de se saisir de ces
questions pour obtenir des engagements de l’entreprise :
via une charte ou un accord QVT.
Exemple de mesures : l’acceptation des aménagements de poste pour permettre aux salariés de suivre un traitement ou de se réinsérer dans l’entreprise ou le fait de ne pas discriminer les salariés en raison de leurs addictions.
Le CSE : initier le dialogue avec les salariés
Si un membre du CSE détecte un problème avec un salarié, il doit pouvoir essayer d’établir un dialogue hors hiérarchie avec le collègue. L’élu peut conseiller au salarié de prendre rendez-vous auprès du service de santé au travail, le médecin du travail étant en mesure de proposer des adaptations, modifications de poste s’il existe des facteurs professionnels favorisant le comportement addictif.
Ces situations doivent être appréciées strictement du point de vue de la santé et de la sécurité du travail, de manière factuelle, et non au regard de la morale ou d’un jugement de valeur quelconque.
Idéalement, des membres du service RH doivent être formé sur ce sujet pour y faire face, et mener une campagne d’information positive. L’employeur doit inciter les salariés à demander de l’aide sans craindre une quelconque sanction. Il ne s’agit plus de stigmatiser ou de marginaliser les salariés concernés mais de leur proposer des solutions adéquates.
Le rôle du CSE est donc multiple, l’enjeu principal étant de convaincre la direction d’accorder de l’importance à cette problématique pour œuvrer conjointement et ne pas l’aborder uniquement sous l’angle disciplinaire lorsqu’il est « trop tard ».
Alison VILLIERS / Juriste Ouest
1 - Confinement & comportements addictifs : le point de vue des Français.
GAE Conseil - Odoxa (avril 2020) Télétravail & pratiques addictives en période de crise. GAE Conseil - Odoxa (Novembre 2020).
2 - Circulaire DGT n° 2008/22 du 19 novembre 2008, relative aux chartes éthiques,
dispositifs d’alerte professionnelle et au règlement intérieur.
3 - Le Baromètre de Santé publique France 2017 : 11,7 % des hommes et 9,1 % des femmes
déclarent que la consommation d’alcool fait partie de la culture de leur milieu professionnel.
Pour autant, ce sujet reste encore trop peu traité par les entreprises ou seulement par le biais de contrôles et de sanctions disciplinaires. L’absence de cadre légal et les raisons multifactorielles qui poussent les salariés à ces pratiques expliquent la frilosité des employeurs à s’en saisir. En effet, la réglementation est très succincte sur le sujet de l’alcool et inexistante pour le reste2.
Il y a donc un intérêt à agir et cela fait partie intégrante des missions des membres du CSE et de la CSSCT lorsqu’elle existe. Le rôle du CSE sur le sujet peut être multiple, « faire reconnaître » à l’employeur le lien entre le travail et certaines conduites addictives, s’assurer du respect des droits des salariés dans le cadre des tests, être actif dans la prévention des risques liés aux conduites addictives.
Le CSE : établir le lien entre travail
& conduites addictives
Il existe, en milieu de travail, deux types d’addictions comportementales : le workaholisme (dépendance au travail) et la technodépendance (internet, courriels, téléphone portable…).
Au-delà de ces deux addictions liées directement au travail, le travail peut avoir un impact sur les pratiques addictives, il peut renforcer, parfois même générer une pratique addictive. Il existe plusieurs facteurs professionnels favorisant les conduites addictives :
• La disponibilité et l’offre des produits :
l’offre d’alcool dans le secteur de la restauration ou l’offre
de médicaments dans le secteur du soin ;
• Les pratiques culturelles et socialisantes :
la consommation lors des pots en entreprise, des séminaires,
ou lors des congrès ou repas d’affaires ;
• La précarité professionnelle :
toute incertitude professionnelle suscitant du stress
(menace de fermeture d’entreprise, plan de restruc-
turation, fusion d’entreprise avec réduction de personnel) ;
• Les tensions psychiques :
un excès de responsabilités ou une activité alternant
surcharge puis ennui, stress, travail en contact avec le
public, harcèlement, brimades ;
• La pauvreté des relations sociales :
un poste isolé ou un manque de soutien de la part de la
hiérarchie ou des collègues ;
• La culture d’entreprise :
une culture de l’excellence et/ ou de l’efficacité à tout
prix, des objectifs fixés trop élevés, l’usage exponentiel
des technologies de l’information et de la communication.
Le CSE et la CSSCT doivent veiller au contexte organisationnel et rechercher en cas de conduites addictives, s’il existe un quelconque lien avec le travail, afin d’améliorer l’environnement de travail dans une démarche préventive.
Le CSE : veiller au respect
de la réglementation sur les tests
Le CSE doit connaître le peu de règles établies pour la réalisation des tests sur les lieux et temps de travail afin d’en assurer le respect. Pour pouvoir pratiquer des tests d’alcoolémie ou de dépistage de drogue, l’employeur doit :
• mentionner leur recours dans le règlement intérieur
et les postes concernés par ces tests. Il doit être réservé
aux salariés qui, par la nature de leur travail sont en
mesure d’exposer les personnes ou les biens à un danger ;
• informer les salariés susceptibles de faire l’objet d’un
tel contrôle et des raisons qui le justifient ;
• prévoir la possibilité pour le salarié d’être assisté et
de contester les résultats des tests (possibilité de contre-
expertise).
NB : En cas de modification du règlement intérieur, le CSE doit nécessairement être consulté. Vous pourrez alors donner votre avis sur la procédure interne prévue et faire part de vos remarques ou contre-propositions. Il peut être opportun de faire inscrire dans le règlement intérieur que le CSE recevra l’information si des tests sont effectués sur des salariés.
Le CSE : jouer un rôle préventif actif
Le CSE peut jouer un rôle important dans la prévention des addictions sur les lieux de travail de plusieurs manières :
• En informant les salariés sur les risques liés aux différentes
formes d’addiction et sur les moyens de les prévenir ;
• En proposant des actions de prévention, comme des ateliers
de sensibilisation ou des campagnes de communication ;
• En mettant en place des dispositifs de soutien et d’accompagnement pour les salariés en situation de dépendance ou en risque de le devenir (médecin, psychologue, groupe de paroles) ;
• En veillant à ce que les politiques de l’entreprise en matière
de santé et de sécurité au travail prennent en compte les
risques liés aux addictions (notamment via le DUERP).
• En suggérant aux partenaires sociaux de se saisir de ces
questions pour obtenir des engagements de l’entreprise :
via une charte ou un accord QVT.
Exemple de mesures : l’acceptation des aménagements de poste pour permettre aux salariés de suivre un traitement ou de se réinsérer dans l’entreprise ou le fait de ne pas discriminer les salariés en raison de leurs addictions.
Le CSE : initier le dialogue avec les salariés
Si un membre du CSE détecte un problème avec un salarié, il doit pouvoir essayer d’établir un dialogue hors hiérarchie avec le collègue. L’élu peut conseiller au salarié de prendre rendez-vous auprès du service de santé au travail, le médecin du travail étant en mesure de proposer des adaptations, modifications de poste s’il existe des facteurs professionnels favorisant le comportement addictif.
Ces situations doivent être appréciées strictement du point de vue de la santé et de la sécurité du travail, de manière factuelle, et non au regard de la morale ou d’un jugement de valeur quelconque.
Idéalement, des membres du service RH doivent être formé sur ce sujet pour y faire face, et mener une campagne d’information positive. L’employeur doit inciter les salariés à demander de l’aide sans craindre une quelconque sanction. Il ne s’agit plus de stigmatiser ou de marginaliser les salariés concernés mais de leur proposer des solutions adéquates.
Le rôle du CSE est donc multiple, l’enjeu principal étant de convaincre la direction d’accorder de l’importance à cette problématique pour œuvrer conjointement et ne pas l’aborder uniquement sous l’angle disciplinaire lorsqu’il est « trop tard ».
Alison VILLIERS / Juriste Ouest
1 - Confinement & comportements addictifs : le point de vue des Français.
GAE Conseil - Odoxa (avril 2020) Télétravail & pratiques addictives en période de crise. GAE Conseil - Odoxa (Novembre 2020).
2 - Circulaire DGT n° 2008/22 du 19 novembre 2008, relative aux chartes éthiques,
dispositifs d’alerte professionnelle et au règlement intérieur.
3 - Le Baromètre de Santé publique France 2017 : 11,7 % des hommes et 9,1 % des femmes
déclarent que la consommation d’alcool fait partie de la culture de leur milieu professionnel.
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