La place de la négociation collective a été renforcée au cours des dernières réformes. Négocier du plus, du moins, tout est désormais possible.
Encore faut-il que les conditions dans lesquelles se déroulent ces négociations soient adéquates pour aboutir à un accord. Le devoir de loyauté doit garantir le bon déroulement des négociations. Le respect de ce principe représente donc un enjeu majeur pour les négociateurs.
Alors comment définit-on la loyauté ?
Comment se matérialise cette obligation en pratique ? Existe-t-il un levier pour assurer la loyauté des négociations ? Comment faire respecter ce principe si l’employeur n’est pas coopératif ?
La loyauté ne se limite pas au seul droit social. Issu du droit civil, cette notion régit le droit des contrats et peut se définir comme la « fidélité à tenir ses engagements, à obéir aux règles de l’honneur et de la probité » (Le Petit Robert, Dictionnaire de la langue française).
Ce principe est consacré par la loi, tant au niveau de la négociation de branche1, que de la négociation d’entreprise2.
De ces dispositions, érigées au rang de l’ordre public dans le Code du travail, il en découle que l’employeur doit s’engager sérieusement et loyalement dans les négociations. Cela se matérialise par le fait que celui-ci doit notamment :
Enfin, l’employeur ne peut, pendant toute la durée du processus de négociation prendre de décisions unilatérales sur les sujets en débat3.
Ce principe de loyauté est intrinsèquement lié à deux autres principes : respect et égalité entre les parties prenantes.
Le respect des parties prenantes à la négociation, les délégués syndicaux ou les membres du CSE participant à une négociation consacrent du temps, de l’énergie, de l’espoir et c’est cela que le principe de loyauté vient tenter de préserver, que leur investissement et leur travail ne soient pas balayés d’un revers de main par une décision précipitée de la direction.
L’égalité car il s’agit de placer, le plus possible, les parties prenantes à la négociation sur un pieds d’égalité en leur transmettant des informations en amont et en temps utiles. En application de ce principe, les juges ont estimé que l’employeur ne pouvait pas conduire des négociations séparées avec ses différents interlocuteurs syndicaux4.
La loi encourage à la conclusion d’un accord de méthode en début de négociation. Un tel accord permet de poser le cadre dans lequel la négociation devra se dérouler, rappelant notamment les règles de loyauté et de confiance mutuelle6. Il comportera a minima les informations partagées entre les négociateurs et définira les principales étapes du déroulement des négociations (organisation et durée des réunions, composition du groupe de négociation, date de remise des documents, règles de communication auprès des salariés… ).
Des moyens supplémentaires ou spécifiques pour les élus peuvent par ailleurs être sollicités (ex : crédits d’heures, recours à l’expertise).
Il est également possible de prévoir que la méconnaissance des clauses de l’accord de méthode est de nature à entraîner la nullité des accords conclus postérieurement. Autrement dit, l’accord de méthode peut prévoir que la violation de certaines de ses clauses aura des conséquences sur la validité de l’accord négocié par la suite7.
Même si son intérêt n’est plus à démontrer, l’accord de méthode reste malheureusement optionnel et son existence dépend du bon vouloir de l’employeur.
La Cour de cassation veille au respect de ces principes. Les juges n’hésitent pas à annuler un accord collectif s’ils estiment que le principe de loyauté n’a pas été respecté. Ainsi, les juges ont estimé que l’employeur ne pouvait pas conduire des négociations séparées avec ses différents interlocuteurs syndicaux8.
Les juges ont pu être amenés à annuler un protocole d’accord préélectoral (et donc les élections professionnelles) au motif que l’employeur avait refusé de transmettre à une organisation syndicale non représentative les éléments nécessaires au contrôle de l’effectif de l’entreprise et de la régularité des listes électorales. La sanction est sans équivoque :
« le manquement à l’obligation de négociation loyale constitue une cause de nullité de l’accord, peu important que celui-ci ait été signé aux conditions de validité »9.
Le message est clair : tout accord, quel qu’en soit l’objet, est nul, quand il est négocié sans respect de l’obligation de loyauté.
Si vous êtes confronté à un refus de votre employeur de communiquer des informations essentielles pendant les négociations, il est possible de saisir le juge des référés du tribunal judiciaire pour les obtenir. De la même manière, si vous estimez que le déroulement des négociations n’a pas respecté le principe de loyauté, vous pouvez saisir le tribunal judiciaire pour demander la nullité de l’accord.
Alison VILLIERS / Juriste – région Ouest
1 - Article L. 2241-3, al. 2 du Code du travail
2 - Article L. 2242-6 du Code du travail
3 - Article L.2242-4 du Code du travail
4 - Cass. soc., 10 oct. 2007, no 06-42.721
5 - Article L. 2232-29 du Code du travail
6 - Article L. 2222-3-1 du Code du travail
7 - Article L2222-3-1 du Code du travail dernier alinéa
8 - Cass. soc., 10 oct. 2007, no 06-42.721
9 - Cass. soc., 9 oct. 2019, pourvoi no 19-10.780
10 - Article L 2262-14 du Code du travail
La place de la négociation collective a été renforcée au cours des dernières réformes. Négocier du plus, du moins, tout est désormais possible.
Encore faut-il que les conditions dans lesquelles se déroulent ces négociations soient adéquates pour aboutir à un accord. Le devoir de loyauté doit garantir le bon déroulement des négociations. Le respect de ce principe représente donc un enjeu majeur pour les négociateurs.
Alors comment définit-on la loyauté ?
Comment se matérialise cette obligation en pratique ? Existe-t-il un levier pour assurer la loyauté des négociations ? Comment faire respecter ce principe si l’employeur n’est pas coopératif ?
La loyauté ne se limite pas au seul droit social. Issu du droit civil, cette notion régit le droit des contrats et peut se définir comme la « fidélité à tenir ses engagements, à obéir aux règles de l’honneur et de la probité » (Le Petit Robert, Dictionnaire de la langue française).
Ce principe est consacré par la loi, tant au niveau de la négociation de branche1, que de la négociation d’entreprise2.
De ces dispositions, érigées au rang de l’ordre public dans le Code du travail, il en découle que l’employeur doit s’engager sérieusement et loyalement dans les négociations. Cela se matérialise par le fait que celui-ci doit notamment :
Enfin, l’employeur ne peut, pendant toute la durée du processus de négociation prendre de décisions unilatérales sur les sujets en débat3.
Ce principe de loyauté est intrinsèquement lié à deux autres principes : respect et égalité entre les parties prenantes.
Le respect des parties prenantes à la négociation, les délégués syndicaux ou les membres du CSE participant à une négociation consacrent du temps, de l’énergie, de l’espoir et c’est cela que le principe de loyauté vient tenter de préserver, que leur investissement et leur travail ne soient pas balayés d’un revers de main par une décision précipitée de la direction.
L’égalité car il s’agit de placer, le plus possible, les parties prenantes à la négociation sur un pieds d’égalité en leur transmettant des informations en amont et en temps utiles. En application de ce principe, les juges ont estimé que l’employeur ne pouvait pas conduire des négociations séparées avec ses différents interlocuteurs syndicaux4.
La loi encourage à la conclusion d’un accord de méthode en début de négociation. Un tel accord permet de poser le cadre dans lequel la négociation devra se dérouler, rappelant notamment les règles de loyauté et de confiance mutuelle6. Il comportera a minima les informations partagées entre les négociateurs et définira les principales étapes du déroulement des négociations (organisation et durée des réunions, composition du groupe de négociation, date de remise des documents, règles de communication auprès des salariés… ).
Des moyens supplémentaires ou spécifiques pour les élus peuvent par ailleurs être sollicités (ex : crédits d’heures, recours à l’expertise).
Il est également possible de prévoir que la méconnaissance des clauses de l’accord de méthode est de nature à entraîner la nullité des accords conclus postérieurement. Autrement dit, l’accord de méthode peut prévoir que la violation de certaines de ses clauses aura des conséquences sur la validité de l’accord négocié par la suite7.
Même si son intérêt n’est plus à démontrer, l’accord de méthode reste malheureusement optionnel et son existence dépend du bon vouloir de l’employeur.
La Cour de cassation veille au respect de ces principes. Les juges n’hésitent pas à annuler un accord collectif s’ils estiment que le principe de loyauté n’a pas été respecté. Ainsi, les juges ont estimé que l’employeur ne pouvait pas conduire des négociations séparées avec ses différents interlocuteurs syndicaux8.
Les juges ont pu être amenés à annuler un protocole d’accord préélectoral (et donc les élections professionnelles) au motif que l’employeur avait refusé de transmettre à une organisation syndicale non représentative les éléments nécessaires au contrôle de l’effectif de l’entreprise et de la régularité des listes électorales. La sanction est sans équivoque :
« le manquement à l’obligation de négociation loyale constitue une cause de nullité de l’accord, peu important que celui-ci ait été signé aux conditions de validité »9.
Le message est clair : tout accord, quel qu’en soit l’objet, est nul, quand il est négocié sans respect de l’obligation de loyauté.
Si vous êtes confronté à un refus de votre employeur de communiquer des informations essentielles pendant les négociations, il est possible de saisir le juge des référés du tribunal judiciaire pour les obtenir. De la même manière, si vous estimez que le déroulement des négociations n’a pas respecté le principe de loyauté, vous pouvez saisir le tribunal judiciaire pour demander la nullité de l’accord.
Alison VILLIERS / Juriste – région Ouest
1 - Article L. 2241-3, al. 2 du Code du travail
2 - Article L. 2242-6 du Code du travail
3 - Article L.2242-4 du Code du travail
4 - Cass. soc., 10 oct. 2007, no 06-42.721
5 - Article L. 2232-29 du Code du travail
6 - Article L. 2222-3-1 du Code du travail
7 - Article L2222-3-1 du Code du travail dernier alinéa
8 - Cass. soc., 10 oct. 2007, no 06-42.721
9 - Cass. soc., 9 oct. 2019, pourvoi no 19-10.780
10 - Article L 2262-14 du Code du travail
L’actualité du droit du travail et de ses évolutions… du bout des doigts.
En savoir plus