Lorsqu’une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire met en œuvre un PSE, la loi prévoit certaines dérogations par rapport à la procédure applicable aux entreprises dites « in bonis » (c’est-à-dire qui ne sont pas en cessation des paiements) parmi lesquelles l’on trouve :
En revanche aucune dérogation n’est prévue quant au droit du CE/CSE d’avoir recours à l’assistance d’un expert dans le cadre de la procédure.
Nous sommes donc face à une incohérence : comment mettre en œuvre le droit à expertise si l’on ne dispose que d’une seule réunion ?
En pratique, il est d’usage de suspendre cette réunion et de la poursuivre une fois que l’expert aura pu mener sa mission, mais les administrateurs judiciaires ne sont pas tous soucieux de respecter les bonnes pratiques….
Le Comité d’entreprise de la Société BOIS DEBOUT (société de plantation de banane située en Guadeloupe) en a fait l’amère expérience.
Réunis pour donner un avis sur le projet de PSE, ce dernier a procédé à la désignation d’un expert conformément à l’article L.2325-35 du Code du travail, mais cela n’a pas empêché l’administrateur judiciaire d’aller déposer le jour même le document unilatéral au DIECCTE (DIRECCTE de Guadeloupe) empêchant ainsi le CE d’avoir effectivement recours à son expert.
La procédure était donc viciée.
Le DIECCTE a pourtant homologué le PSE, alors même qu’il se devait d’être le garant du bon déroulement de la procédure d’information/consultation, obligeant ainsi le CE et la Confédération générale du travail de Guadeloupe à saisir le tribunal administratif.
Le recours à l’expertise est un droit.
Ce droit a pour objet d’aider le comité d’entreprise à se prononcer de façon éclairée sur le projet de PSE qui lui est soumis. S’il ne peut être mis en œuvre, la régularité de la procédure d’information/consultation s’en trouve indéniablement entachée.
Naturellement, cette dérogation au nombre de réunions ne permet pas de mettre en œuvre ce droit, et c’est ce qu’avait déjà jugé la cour de cassation (notamment, voir Cass. Soc 7 juillet 1998n°96-21.295) en décidant que dès lors que s’il ne devait y avoir qu’une seule réunion, la désignation de l’expert s’en trouverait purement et simplement privée d’effet.
Depuis la loi de sécurisation de l’emploi de 2013, c’est le Tribunal Administratif qui est compétent pour se prononcer sur la décision administrative qui valide ou homologue le PSE.
C’est ainsi que le comité d’entreprise et la CGTG ont saisi le Tribunal Administratif de la Guadeloupe lequel a conclu, contre tout attente, à la validation de la décision du DIECCTE.
Un recours a été formé devant la Cour Administrative d’appel de BORDEAUX qui a annulé la décision d’homologation en considérant que la procédure avait été effectivement viciée.
Cette décision est très importante car, au-delà du principe qu’elle forge concernant la procédure de PSE, elle permet de rappeler que le Droit Social s’applique même lorsque l’entreprise se trouve en procédure collective.
Dans un contexte de procédure collective (redressement ou liquidation), les droits des instances ont souvent tendance à être « oubliés », souvent parce qu’il faut aller vite, que ce qui compte c’est la reprise de la société et le sort des créanciers…
Or, ces droits existent et doivent être respectés parce qu’au travers de ces obligations, c’est la sauvegarde des droits des travailleurs qui est en jeu (respect des catégories professionnelles, des critères d’ordre, égalité de traitement entre les salariés, adaptation des mesures à la population concernée…)
Dans le cadre d’une procédure de PSE, la DIRECCTE doit être garante du respect par l’administrateur judiciaire des procédures d’information/consultation. Mais, force est de constater que ce n’est malheureusement pas toujours le cas.
A cet égard, l’exemple du CE de la société Bois Debout est symptomatique, mais la Cour Administrative d’appel de Bordeaux ne s’y est pas trompée : elle a annulé la décision d’homologation du PSE, avec pour conséquence la possibilité pour les salariés de saisir le Conseil de Prud’homme pour demander la condamnation de la société à verser à chaque salarié une indemnité minimale de 6 mois de salaire.
Toute chose qui aurait pu être évitée si les acteurs de la procédure avaient eu à cœur de respecter le CE…
> Arrêt de la Cour Administrative d’appel de Bordeaux N° 18BX02854 du 17 octobre 2018
Elisabeth REPESSE, Avocate
Lorsqu’une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire met en œuvre un PSE, la loi prévoit certaines dérogations par rapport à la procédure applicable aux entreprises dites « in bonis » (c’est-à-dire qui ne sont pas en cessation des paiements) parmi lesquelles l’on trouve :
En revanche aucune dérogation n’est prévue quant au droit du CE/CSE d’avoir recours à l’assistance d’un expert dans le cadre de la procédure.
Nous sommes donc face à une incohérence : comment mettre en œuvre le droit à expertise si l’on ne dispose que d’une seule réunion ?
En pratique, il est d’usage de suspendre cette réunion et de la poursuivre une fois que l’expert aura pu mener sa mission, mais les administrateurs judiciaires ne sont pas tous soucieux de respecter les bonnes pratiques….
Le Comité d’entreprise de la Société BOIS DEBOUT (société de plantation de banane située en Guadeloupe) en a fait l’amère expérience.
Réunis pour donner un avis sur le projet de PSE, ce dernier a procédé à la désignation d’un expert conformément à l’article L.2325-35 du Code du travail, mais cela n’a pas empêché l’administrateur judiciaire d’aller déposer le jour même le document unilatéral au DIECCTE (DIRECCTE de Guadeloupe) empêchant ainsi le CE d’avoir effectivement recours à son expert.
La procédure était donc viciée.
Le DIECCTE a pourtant homologué le PSE, alors même qu’il se devait d’être le garant du bon déroulement de la procédure d’information/consultation, obligeant ainsi le CE et la Confédération générale du travail de Guadeloupe à saisir le tribunal administratif.
Le recours à l’expertise est un droit.
Ce droit a pour objet d’aider le comité d’entreprise à se prononcer de façon éclairée sur le projet de PSE qui lui est soumis. S’il ne peut être mis en œuvre, la régularité de la procédure d’information/consultation s’en trouve indéniablement entachée.
Naturellement, cette dérogation au nombre de réunions ne permet pas de mettre en œuvre ce droit, et c’est ce qu’avait déjà jugé la cour de cassation (notamment, voir Cass. Soc 7 juillet 1998n°96-21.295) en décidant que dès lors que s’il ne devait y avoir qu’une seule réunion, la désignation de l’expert s’en trouverait purement et simplement privée d’effet.
Depuis la loi de sécurisation de l’emploi de 2013, c’est le Tribunal Administratif qui est compétent pour se prononcer sur la décision administrative qui valide ou homologue le PSE.
C’est ainsi que le comité d’entreprise et la CGTG ont saisi le Tribunal Administratif de la Guadeloupe lequel a conclu, contre tout attente, à la validation de la décision du DIECCTE.
Un recours a été formé devant la Cour Administrative d’appel de BORDEAUX qui a annulé la décision d’homologation en considérant que la procédure avait été effectivement viciée.
Cette décision est très importante car, au-delà du principe qu’elle forge concernant la procédure de PSE, elle permet de rappeler que le Droit Social s’applique même lorsque l’entreprise se trouve en procédure collective.
Dans un contexte de procédure collective (redressement ou liquidation), les droits des instances ont souvent tendance à être « oubliés », souvent parce qu’il faut aller vite, que ce qui compte c’est la reprise de la société et le sort des créanciers…
Or, ces droits existent et doivent être respectés parce qu’au travers de ces obligations, c’est la sauvegarde des droits des travailleurs qui est en jeu (respect des catégories professionnelles, des critères d’ordre, égalité de traitement entre les salariés, adaptation des mesures à la population concernée…)
Dans le cadre d’une procédure de PSE, la DIRECCTE doit être garante du respect par l’administrateur judiciaire des procédures d’information/consultation. Mais, force est de constater que ce n’est malheureusement pas toujours le cas.
A cet égard, l’exemple du CE de la société Bois Debout est symptomatique, mais la Cour Administrative d’appel de Bordeaux ne s’y est pas trompée : elle a annulé la décision d’homologation du PSE, avec pour conséquence la possibilité pour les salariés de saisir le Conseil de Prud’homme pour demander la condamnation de la société à verser à chaque salarié une indemnité minimale de 6 mois de salaire.
Toute chose qui aurait pu être évitée si les acteurs de la procédure avaient eu à cœur de respecter le CE…
> Arrêt de la Cour Administrative d’appel de Bordeaux N° 18BX02854 du 17 octobre 2018
Elisabeth REPESSE, Avocate
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