Lorsqu’un licenciement collectif se profile, c’est toute une organisation qui vacille. En effet, derrière les chiffres, il y a des vies, des projets et des parcours. Aussi, le Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE), partie intégrante du projet de restructuration présenté par la direction de l’entreprise, n’est pas qu’une procédure administrative : c’est un dispositif de protection pensé pour limiter au maximum les licenciements et accompagner les salariés concernés lorsqu’ils deviennent inévitables.

Obligatoire dans les entreprises d’au moins 50 salariés qui envisagent au moins 10 licenciements sur 30 jours, la loi encadre la procédure et impose à l’employeur des obligations précises d’information, de consultation, de reclassement interne et d’accompagnement au reclassement externe.

Mais ce cadre n’a de sens que s’il est compris et contrôlé. Les représentants du personnel ont ici un rôle déterminant : analyser les motifs économiques, négocier les mesures d’accompagnement et veiller au respect du droit. Leur implication en amont change souvent le cours des choses : un plan mieux négocié, des mesures de reclassement renforcées, et un accompagnement plus humain des salariés.

Connaître les 7 étapes clés du PSE, c’est pouvoir anticiper, négocier et, si besoin, contester.

Étape 1 : L’information et la consultation du Comité Social et Économique sur le projet de licenciement et ses conséquences

Tout commence par l’information du Comité social et économique (CSE).
L’employeur doit réunir le CSE et lui transmettre les éléments nécessaires : raisons économiques du projet, nombre de postes supprimés, catégories professionnelles, calendrier prévisionnel, mesures envisagées dans le PSE et impact du projet sur la santé et la sécurité des salariés.

Cette phase lance la procédure de consultation, encadrée par des délais légaux, fonction du nombre de licenciements envisagés :

Durant cette période, plusieurs réunions doivent être organisées ; la loi ne fixe pas leur nombre mais elles sont de 2 au minimum : l’une portant sur l’information et l’autre sur les différents avis que devra rendre le CSE. Il ne faut donc pas hésiter à prévoir des réunions supplémentaires tant les sujets économiques, sociaux et organisationnels sont nombreux et complexes.

C’est le moment pour les élus d’obtenir une vision claire de la stratégie de l’entreprise. En effet, les chiffres doivent parler : évolution du chiffre d’affaires, carnet de commandes, transferts d’activités, etc. Autant d’éléments qui permettent d’évaluer la réalité du motif économique invoqué.

Le CSE peut se faire assister par un expert-comptable rémunéré par l’entreprise et désigné par la majorité des élus lors de la première réunion d’information. Ce dernier analyse la situation économique, vérifie la réalité des motifs et évalue la cohérence du PSE. Son rapport sert de base à la négociation et peut appuyer un recours ultérieur. Son rôle et l’aide  qu’il peut apporter sont fondamentaux ; tout comme l’accompagnement par un avocat spécialiste.

À retenir :
La DREETS a un rôle important à jouer, y compris lorsque le CSE ou son expert ne parviennent pas à obtenir des informations de la part de l’employeur. Elle est un véritable acteur dans le cadre d’une restructuration avec PSE. Aussi, il est nécessaire de prendre contact avec elle, de lui faire part des difficultés, des irrégularités, etc.

Étape 2 : L’élaboration du contenu du PSE

En vue de la consultation du CSE, l’employeur élabore le contenu du plan qui comprend trois volets complémentaires et obligatoires. Les mesures doivent être proportionnées aux capacités de l’entreprise et du groupe d’appartenance.

En premier lieu, l’employeur définit dans le PSE :

Les critères d’ordre de licenciement fondés sur :

Ces critères, qui doivent tous être pris en compte, doivent être objectifs et pondérés.

Premier volet : les mesures visant à éviter les licenciements

L’objectif de ces mesures est de réduire le nombre de ruptures : aménagement du temps de travail, formation de reconversion, reclassement interne, création d’activités nouvelles, etc. Elles doivent être concrètes, chiffrées et proportionnées aux moyens de l’entreprise et du groupe.

Deuxième volet : les mesures d’accompagnement des salariés licenciés

Elles concernent ceux dont le licenciement ne peut être évité : aides au reclassement externe, formation qualifiante, soutien à la création d’entreprise, aides à la mobilité et accompagnement vers l’emploi.

Le code du travail liste les mesures qui doivent figurer dans le PSE ; celles-ci doivent être adaptées à la population visée.

À retenir :
Un PSE doit détailler chaque mesure, son budget et son calendrier. Des engagements flous exposent l’employeur à un refus de la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS).

C’est souvent ici que tout se joue. Un plan de restructuration ambitieux ne se limite pas à réduire les coûts : il anticipe les besoins de compétences, préserve l’employabilité et offre de vraies perspectives aux salariés concernés impactés.

Troisième volet : les conséquences du projet en termes de santé/sécurité/conditions de travail

Désormais, une information écrite spécifique doit être communiquée aux élus sur les enjeux de santé/sécurité/conditions de travail non seulement pour les salariés concernés par le plan mais aussi pour les salariés qui ne seront pas licenciés mais qui peuvent, en fonction du projet, subir des modifications d’organisation du travail, de temps de travail, etc.

Ce volet n’est pas inclus dans le PSE mais fait partie intégrante des informations dues aux élus.

Étape 3 : Le choix entre accord collectif et document unilatéral

L’entreprise doit choisir entre deux modalités d’élaboration du PSE : la négociation d’un accord collectif majoritaire ou l’établissement d’un document unilatéral par l’employeur. Ce choix n’est pas neutre : il détermine la place laissée au dialogue social et la capacité des représentants du personnel à peser réellement sur les décisions.

La négociation d’un accord collectif majoritaire

L’employeur négocie avec les syndicats représentatifs un accord qui sera signé par des organisations ayant obtenu au moins 50 % des voix aux dernières élections. Cette option favorise le dialogue social et permet d’adapter le contenu du plan.

Avantage : plus de souplesse et d’appropriation par les représentants du personnel et sécurité pour l’employeur : en cas d’accord, la DREETS se contente de valider l’accord.
Limite : elle suppose une vraie volonté de négocier et un délai suffisant.

Le document unilatéral

Lorsque la négociation échoue ou qu’il n’y a pas de syndicats, l’employeur établit un document unilatéral après consultation du CSE. Le comité rend des avis qui seront examinés par la DREETS lors de l’homologation, au même titre que le PSE lui-même.

Un CSE bien accompagné peut faire de la négociation un véritable levier d’action : obtenir des mesures plus protectrices, un calendrier plus réaliste ou des budgets de formation, de reclassement – exemple : la durée et l’allocation du congé de reclassement, d’aides au reclassement rapide, à la création d’entreprise, à la mobilité géographique… plus favorables pour les salariés.

« La supra » ou « le chèque » ne fait partie des mesures prévues par la loi ; il reste donc à négocier.

Étape 4 : La transmission du dossier à la DREETS

Une fois le PSE finalisé et les avis rendus, l’employeur transmet le dossier complet à la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, au plus tôt le lendemain de la dernière réunion du CSE.

Le dossier doit comprendre :

La DREETS vérifie la régularité de la procédure et la qualité des mesures prévues. Elle s’assure que le plan est cohérent, complet et adapté aux moyens de l’entreprise.

Ce contrôle constitue une véritable garantie : il permet de vérifier que l’entreprise a réellement tout tenté pour éviter les licenciements et que les moyens engagés sont proportionnés à sa situation économique.

À retenir :
Un dossier incomplet retarde l’instruction et peut entraîner un refus d’homologation. La transmission ne peut intervenir qu’après la fin effective de la consultation du CSE.

Étape 5 : La validation ou l’homologation par la DREETS

L’administration dispose d’un délai pour se prononcer sur le PSE. Celui-ci varie selon la modalité choisie : 15 jours pour un accord collectif (validation) et 21 jours pour un document unilatéral (homologation). Ces délais courent à compter de la réception du dossier complet.

La validation d’un accord collectif

L’administration contrôle :

Son contrôle est limité : sauf irrégularité manifeste, la validation est acquise.

L’homologation d’un document unilatéral

Le contrôle est plus approfondi : la DREETS examine la procédure d’information-consultation, la cohérence du plan et surtout la qualité des mesures de reclassement.

Le contrôle administratif ne se limite pas à un simple formalisme. La DREETS apprécie la sincérité du dialogue social et la cohérence globale du plan.

En pratique, les élus doivent s’assurer que l’ensemble des échanges et observations du CSE sont bien consignés dans le dossier transmis : c’est la trace officielle du travail mené en interne.

L’administration peut demander des compléments : le délai d’instruction est alors suspendu. Sans réponse dans les délais, sa décision est réputée favorable.

En revanche, un refus bloque la procédure : l’employeur doit revoir son plan ou saisir le tribunal administratif.

À retenir :
Sans validation ni homologation, aucun licenciement ne peut être notifié.

Étape 6 : La notification des licenciements

Après validation ou homologation, l’employeur peut notifier les licenciements. Cette étape ne peut intervenir moins de 30 jours après la notification du projet initial à la DREETS.

Cette phase, très sensible, marque concrètement la rupture du contrat de travail. À cet instant, le rôle du CSE est essentiel : informer les salariés sur leurs droits, les dispositifs existants et les délais à respecter.

Chaque salarié reçoit une lettre de licenciement indiquant :

Le CSP, proposé dans les entreprises ou groupes de moins de 1.000 salariés , offre un accompagnement renforcé vers l’emploi : bilan, formations, et suivi personnalisé. Le salarié dispose de 21 jours pour l’accepter ou le refuser. Le congé de reclassement de 4 à 12 mois, voire plus si négociation, pris en charge par l’entreprise exclut le CSP, mais n’obère pas les droits au chômage du salarié. Le congé de reclassement est géré par une cellule/cabinet de reclassement interne à l’entreprise.

Le calendrier des licenciements doit respecter les préavis légaux et rester cohérent avec les actions de reclassement prévues.

Une communication claire auprès des salariés contribue aussi à apaiser le climat social et à maintenir le lien jusqu’au terme du processus.

À retenir :
Tout licenciement notifié avant la validation du PSE ou homologation est nul.

Étape 7 : La mise en œuvre et le suivi du PSE

La dernière étape concerne l’exécution des mesures prévues par le PSE. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le PSE ne s’arrête pas à la notification des licenciements. Il engage l’employeur sur le long terme et fait l’objet d’un suivi attentif.

Dans les faits, ce suivi est trop souvent négligé alors qu’il conditionne la réussite du plan. En effet, c’est dans la durée que se mesure l’efficacité des engagements pris.

Mise en œuvre des mesures

L’employeur doit déployer concrètement les dispositifs annoncés : cellules de reclassement, formations, aides à la mobilité, et budgets prévus. Les représentants du personnel veillent à leur effectivité.

La commission de suivi

Composée de l’employeur,des représentants du personnel et d’un représentant de la DREETS, elle se réunit régulièrement pour contrôler l’avancement des mesures et corriger les dysfonctionnements.

Ce dialogue continu entre direction et représentants du personnel permet de limiter les écarts entre le plan et la réalité du terrain : retards dans les formations, postes de reclassement non pourvus, budgets non consommés, etc.

Le bilan à un an

Transmis à la DREETS et au CSE, il présente le nombre de salariés reclassés, les types de reclassement, les actions menées et les difficultés rencontrées.
Un bilan insuffisant peut révéler un manquement et fonder une action en responsabilité.

Le bilan est aussi un outil politique : il met en lumière les efforts réels de l’entreprise et peut servir de référence pour les futurs projets de réorganisation.

Obligation de reclassement et priorité de réembauche

Pendant un an, l’employeur doit proposer tout poste disponible et correspondant à leurs compétences aux salariés licenciés. Ce devoir de reclassement peut donner lieu, en cas de faute, à une indemnisation.

À retenir :
Le suivi du PSE conditionne sa légitimité. Un plan validé mais non exécuté expose l’entreprise à des sanctions.

La mise en œuvre d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi exige rigueur et vigilance.
Pour les représentants du personnel, comprendre chaque étape, c’est pouvoir agir, négocier et défendre les droits collectifs.

La négociation reste la clé, mais elle ne peut être équilibrée qu’avec un véritable appui : celui d’un expert-comptable, d’un avocat en droit social et d’une équipe spécialisée pour analyser les documents, négocier les mesures ou contester une décision défavorable.

Derrière la technicité juridique, le PSE interroge la responsabilité sociale de l’entreprise : comment rompre sans abandonner ? Comment transformer une crise en opportunité de rebond ?

Parce que derrière chaque PSE, il y a des femmes et des hommes, des équilibres à préserver et des avenirs à reconstruire. Et que le droit du travail, bien maîtrisé, reste l’un des meilleurs leviers de justice sociale.

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