En pleine campagne présidentielle, Elisabeth Borne, pas encore tout à fait 1ère ministre, affirmait que « l’usure professionnelle » sera prise en compte dans la future réforme des retraites.
Nous aurions pu penser que l’amélioration des conditions de travail, des mesures de prévention ou la mise en œuvre d’un plan d’aménagement des fins de carrière des salariés âgés, constituerait le socle du pacte social souhaité par le nouveau Gouvernement. Cela notamment pour rassurer les salariés sur le fait qu’ils pourront partir en retraite, certes un peu plus tard, mais en bonne santé.
Le message est clair, « l’usure », sans que l’on sache à date ce que recoupe le terme, constituerait le nouveau mètre étalon de la réforme à venir.
Mais passer de la pénibilité à l’usure… revient-il à élargir le concept et le constat ? La vue fatiguée à trop regarder les écrans, les douleurs à force de répéter les mêmes gestes, les inhalations d’hydrocarbures variés…, est-ce suffisant pour être assez usé ?
Qu’en est-il d’un coude qui coince, d’une main qui tremble, de vertiges à répétition, ou de troubles du sommeil permanents ?
C’est en tout cas suffisant pour ne plus pouvoir jouir pleinement de ce qui fait le sel de la retraite attendue, voyager, dessiner, danser, cultiver son jardin, faire du sport, du théâtre ou plus poétiquement profiter de la beauté d’un paysage. Nul doute que la communication qui sera faite louera un dispositif qui sera en même temps « socialement responsable » et « économiquement juste ». Nul doute également que, du côté de la défense des salariés et agents de la fonction publique, partir en bonne santé à la retraite restera un impératif.
Charge aux responsables et décideurs de ne pas l’oublier à l’heure où la nouvelle Assemblée Nationale est marquée par une poussée plus que nette de ceux qui s’opposent à la réforme des retraites annoncée, sachant que la stigmatisation de certains comme boucs émissaires, notamment les étrangers, ne peut qu’être combattue. D’autres chemins méritent d’être pris. D’aucuns les prennent.
L’Organisation Internationale du Travail, lors de Conférence internationale du Travail, en adoptant le 10 juin 2022 une résolution visant à inscrire le droit à un environnement de travail sûr et sain au rang des Principes et droits fondamentaux au travail.
Les représentants du personnel de Mc Donald ou de General Electric (GEEPF Belfort), en lançant des procédures ayant pour objectif de contraindre les entreprises multinationales qui « optimisent » fiscalement, à ne pas confondre optimisation et fraude (notamment via les prix de transfert) ; sachant que l’évaluation des montants soustraits dépassent largement les 3 milliards d’euros annuels attendus de la réforme de la retraite à 65 ans…
En attendant, nous vous invitons à savourer vos congés de manière chaleureuse, intense, palpitante. Le travail attendra votre retour et les batailles à venir ont besoin de vous en forme !
Olivier CADIC
Directeur juridique
4 ans après l’Ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, 2022 marque l’année du 1er renouvellement de nombreux CSE. Pour préparer ces élections, il est important de maîtriser les conditions requises pour être électeur et celles pour être candidat. Ce sujet a par ailleurs donné lieu à de nombreuses jurisprudences, en témoignent celles citées dans le présent article.
* Les conditions d’électorat en cas d’assimilation du salarié à l’employeur doivent être modifiées, suite à la décision du Conseil Constitutionnel. Dans l’attente du nouveau texte légal, maintien jusqu’au 30 octobre 2022, de la jurisprudence selon laquelle le salarié pouvant être assimilé à l’employeur ne peut être électeur (Cons. const., déc., 19 nov. 2021, n° 2021-947 QPC).
En l’état de la jurisprudence, ces salariés ne peuvent être ni électeurs ni éligibles.
Cons. const., déc., 19 nov. 2021, n° 2021-947 QPC.
Sur ce point, la jurisprudence est fluctuante. Nous vous conseillons donc d’exiger une consultation du CSE même si l’employeur ne propose pas de reclassement au salarié devenu inapte.
C’est à la date du 1er tour des élections qu’il sera apprécié si le salarié remplit ces conditions1. Aucune autre date ne peut être retenue, y compris dans le cadre du protocole d’accord électoral (PAP)2. Détaillons certaines conditions.
Entrent dans l’ancienneté :
La période d’essai ;
Les périodes d’activité au sein des différents établissements de l’entreprise et/ou des filiales du groupe ;
Les périodes d’activité auprès de l’employeur d’origine en cas de transfert des contrats de travail au sens de l’article L. 1224-1 du Code du travail ;
En cas d’embauche en CDI après un CDD, les périodes travaillées en CDD dans l’entreprise ;
En cas d’embauche après une mission de travail temporaire, la durée des missions accomplies au cours des 3 mois précédant l’embauche.
! Dans certaines circonstances, des dérogations peuvent être accordées sur décision de l’Inspecteur du travail, après consultation des DS3.
Pour être électeur et a fortiori candidat, le salarié doit pleinement jouir de sa capacité électorale : il ne doit ni être inscrit en tant que majeur sous tutelle, ni être interdit du droit de vote et d’élection par les tribunaux.
Cette condition reste difficilement contrôlable par la Direction. En effet :
Les salariés sont présumés jouir de leurs droits civiques4 ;
l’employeur ne peut exiger ni la production d’un extrait de casier judiciaire ni la carte d’électeur politique5.
Lorsque le salarié détient une délégation de pouvoirs l’assimilant à l’employeur ou lorsqu’il représente l’employeur devant les instances représentatives du personnel (IRP), il ne peut être éligible.
Tel est le cas de :
Le juge apprécie, au cas par cas, les termes de la délégation de pouvoirs ou l’effectivité de la représentation de l’employeur devant les IRP ou vis-à-vis du personnel. Le manque d’autonomie, la nécessité d’une validation de la DRH ou du chef d’entreprise sont notamment pris en compte.
Restent ainsi éligibles :
Composition de vos listes, PAP, accord de dialogue social, faites vous accompagner par Atlantes durant vos élections
Floriane BURETTE / Juriste, référente île de France
1 - Cass. soc. 30 oct. 2001, n° 00-60.341
2 - Cass.soc. 1er déc. 2010, n° 10-60.163
3 - Art. L.2314-25 du Code du travail
4 - 25 oct. 1978, n° 78-60.693
5 - Cass. soc. 15 juin 1995, n° 94-60.461
6 - Cass. soc., 6 févr. 2002, n° 00-60.488
7 - Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-25.233
8 - Cass. soc., 28 sept. 2017, n° 16-15.807
9 - Cass. soc., 12 mars 2003, n° 01-60.730
10 - Cass. soc., 17 mars 1998, n° 96-60.324
11 - Cass. soc., 15 mai 2019, n° 18-19.862
« L’entreprise ne peut plus être le lieu du bruit des machines et du silence des hommes”. C’est ainsi que, en 1982, Jean Auroux, alors Ministre du Travail, ponctuait son discours marquant la création du CHSCT. Bien que méconnu, le bruit est un facteur de risques psychosociaux majeur, l’exposition à des nuisances sonores pouvant provoquer une perte d’audition, mais aussi du stress et de la fatigue, et donc des répercussions directes sur la santé des salariés. Le Code du travail renvoie à un décret définissant les règles de prévention des risques. Ce sont les articles R. 4431-1 et suivants qui s’appliquent.
VRAI… et FAUX. Selon un sondage réalisé par l’IFOP1 en 2019, 59% des actifs français ont déclaré être dérangés par les nuisances sonores sur leur lieu de travail. Cependant, l’impact n’est pas le même selon le volume auquel le salarié est exposé. Si on ne mesure que le niveau sonore de la voix humaine, le nombre de décibels passe du simple au double entre le son perçu lorsque l’interlocuteur parle sur un ton normal et lorsqu’il crie ou qu’il hurle.
Naturellement, l’impact diffère selon l’environnement professionnel. Ainsi, un salarié exerçant dans un bureau individuel se trouve dans une situation plus confortable que :
Ainsi, dans l’enquête de l’IFOP, le chiffre monte à 73% dans le secteur de l’industrie et à 70% dans le secteur de la construction.
FAUX. Différents seuils, correspondant aux niveaux d’exposition, sont fixés par décret. Les actions à mener diffèrent selon le seuil atteint.
Le seuil de 87 dB correspond donc au seuil maximal, qui ne doit, en aucun cas, être dépassé.
VRAI. Cela peut aller jusqu’à la perte d’audition, reconnue comme maladie professionnelle depuis 1963. D’autant que, outre le volume sonore évalué en nombre de décibels, peut contribuer au développement d’atteintes auditives la durée d’exposition, mais aussi sa fréquence. Ainsi, même sans atteindre le seuil maximal de 87 dB, une exposition prolongée et régulière à un volume sonore de 85 dB peut peser sur l’état de santé.
FAUX. Les représentants du personnel sont partie prenante et doivent être pleinement associés à la démarche de prévention des risques. C’est encore plus vrai lorsque 25% de l’effectif est exposé à certains facteurs de risques, dont le bruit. C’est également le cas dans le cadre de l’information consultation du CSE en matière de politique sociale : l’employeur doit présenter au comité le programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail (article L. 2312-27 2° du Code du travail), ce qui peut constituer un levier pour agir.
VRAI. Le salarié exposé à un volume sonore tel qu’il présente régulièrement des acouphènes ou ne peut plus parler à un collègue proche de lui sans crier doit en avertir sans tarder les représentants du personnel, ou encore le médecin du travail ou l’Inspection du travail.
Elise Martin / Avocate
1 - Sondage IFOP réalisé en 2019 pour la Journée Nationale de l’Audition,
« Bruit, santé auditive et qualité de vie au travail ».
La place de la négociation collective a été renforcée au cours des dernières réformes. Négocier du plus, du moins, tout est désormais possible.
Encore faut-il que les conditions dans lesquelles se déroulent ces négociations soient adéquates pour aboutir à un accord. Le devoir de loyauté doit garantir le bon déroulement des négociations. Le respect de ce principe représente donc un enjeu majeur pour les négociateurs.
Alors comment définit-on la loyauté ?
Comment se matérialise cette obligation en pratique ? Existe-t-il un levier pour assurer la loyauté des négociations ? Comment faire respecter ce principe si l’employeur n’est pas coopératif ?
La loyauté ne se limite pas au seul droit social. Issu du droit civil, cette notion régit le droit des contrats et peut se définir comme la « fidélité à tenir ses engagements, à obéir aux règles de l’honneur et de la probité » (Le Petit Robert, Dictionnaire de la langue française).
Ce principe est consacré par la loi, tant au niveau de la négociation de branche1, que de la négociation d’entreprise2.
De ces dispositions, érigées au rang de l’ordre public dans le Code du travail, il en découle que l’employeur doit s’engager sérieusement et loyalement dans les négociations. Cela se matérialise par le fait que celui-ci doit notamment :
Enfin, l’employeur ne peut, pendant toute la durée du processus de négociation prendre de décisions unilatérales sur les sujets en débat3.
Ce principe de loyauté est intrinsèquement lié à deux autres principes : respect et égalité entre les parties prenantes.
Le respect des parties prenantes à la négociation, les délégués syndicaux ou les membres du CSE participant à une négociation consacrent du temps, de l’énergie, de l’espoir et c’est cela que le principe de loyauté vient tenter de préserver, que leur investissement et leur travail ne soient pas balayés d’un revers de main par une décision précipitée de la direction.
L’égalité car il s’agit de placer, le plus possible, les parties prenantes à la négociation sur un pieds d’égalité en leur transmettant des informations en amont et en temps utiles. En application de ce principe, les juges ont estimé que l’employeur ne pouvait pas conduire des négociations séparées avec ses différents interlocuteurs syndicaux4.
La loi encourage à la conclusion d’un accord de méthode en début de négociation. Un tel accord permet de poser le cadre dans lequel la négociation devra se dérouler, rappelant notamment les règles de loyauté et de confiance mutuelle6. Il comportera a minima les informations partagées entre les négociateurs et définira les principales étapes du déroulement des négociations (organisation et durée des réunions, composition du groupe de négociation, date de remise des documents, règles de communication auprès des salariés… ).
Des moyens supplémentaires ou spécifiques pour les élus peuvent par ailleurs être sollicités (ex : crédits d’heures, recours à l’expertise).
Il est également possible de prévoir que la méconnaissance des clauses de l’accord de méthode est de nature à entraîner la nullité des accords conclus postérieurement. Autrement dit, l’accord de méthode peut prévoir que la violation de certaines de ses clauses aura des conséquences sur la validité de l’accord négocié par la suite7.
Même si son intérêt n’est plus à démontrer, l’accord de méthode reste malheureusement optionnel et son existence dépend du bon vouloir de l’employeur.
La Cour de cassation veille au respect de ces principes. Les juges n’hésitent pas à annuler un accord collectif s’ils estiment que le principe de loyauté n’a pas été respecté. Ainsi, les juges ont estimé que l’employeur ne pouvait pas conduire des négociations séparées avec ses différents interlocuteurs syndicaux8.
Les juges ont pu être amenés à annuler un protocole d’accord préélectoral (et donc les élections professionnelles) au motif que l’employeur avait refusé de transmettre à une organisation syndicale non représentative les éléments nécessaires au contrôle de l’effectif de l’entreprise et de la régularité des listes électorales. La sanction est sans équivoque :
« le manquement à l’obligation de négociation loyale constitue une cause de nullité de l’accord, peu important que celui-ci ait été signé aux conditions de validité »9.
Le message est clair : tout accord, quel qu’en soit l’objet, est nul, quand il est négocié sans respect de l’obligation de loyauté.
Si vous êtes confronté à un refus de votre employeur de communiquer des informations essentielles pendant les négociations, il est possible de saisir le juge des référés du tribunal judiciaire pour les obtenir. De la même manière, si vous estimez que le déroulement des négociations n’a pas respecté le principe de loyauté, vous pouvez saisir le tribunal judiciaire pour demander la nullité de l’accord.
Alison VILLIERS / Juriste – région Ouest
1 - Article L. 2241-3, al. 2 du Code du travail
2 - Article L. 2242-6 du Code du travail
3 - Article L.2242-4 du Code du travail
4 - Cass. soc., 10 oct. 2007, no 06-42.721
5 - Article L. 2232-29 du Code du travail
6 - Article L. 2222-3-1 du Code du travail
7 - Article L2222-3-1 du Code du travail dernier alinéa
8 - Cass. soc., 10 oct. 2007, no 06-42.721
9 - Cass. soc., 9 oct. 2019, pourvoi no 19-10.780
10 - Article L 2262-14 du Code du travail
Le choix des critères de répartition des Activités Sociales et Culturelles (ASC) fait souvent l’objet d’âpres débats au sein des CSE.
Doit-on donner le même montant à tous les salariés, peut-on avantager les bas salaires, exclure les CDD, ou encore mettre une condition d’ancienneté sont des questions qui reviennent fréquemment.
Rappelons que les ASC doivent bénéficier à l’ensemble du personnel sans discrimination.
Le CSE peut toutefois moduler ses prestations en fonction de la situation des bénéficiaires mais l’Urssaf veille et dispose du pouvoir de redresser un CSE si elle estime que les critères utilisés sont discriminants.
Ainsi il n’est pas possible de s’appuyer sur des critères tel que l’âge, le sexe, le contrat de travail ou encore le temps de présence pour attribuer les activités sociales et culturelles.
Peut on fixer une condition d’ancienneté ? Si oui de combien ? Court-on un risque à la mettre en œuvre ?
Ce critère fréquemment utilisé par les CSE était source de nombreux débats.
Pour autant, jusqu’à récemment, malgré une utilisation fréquente, le recours à ce critère entraînait facilement redressement de la part des services de l’Urssaf dans la mesure où une réponse ministérielle (Rép. min. n° 43931 : JOAN Q, 6 mai 2014, p. 3688) le considérait comme discriminant.
La situation semblait claire et l’utilisation de ce critère déconseillée.
L’Urssaf a récemment publié un « Guide pratique du CSE1 » lequel réhabilite ce critère en précisant :
« En application de l’instruction ministérielle du 17 avril 1985, les prestations en lien avec les activités sociales et culturelles du CSE sont exonérées de cotisations et contributions sociales. Cela concerne les activités extra-professionnelles, sociales ou culturelles (détente, sports, loisirs) au bénéfice des salariés ou anciens salariés, de leurs familles et des stagiaires. À noter : ce bénéfice peut être réservé aux salariés ayant une ancienneté, dans la limite de six mois ».
Par ailleurs, une décision récente Cour d’appel de Paris (CA de Paris, Pôle 6 – Chambre 2, RG 20/17265, 24 mars 2022) semble confirmer cette évolution et vient préciser que « l’ancienneté est un critère objectif, non discriminatoire, dès lors qu’il s’applique indistinctement à tout salarié quel qu’il soit et notamment quel que soit son âge ».
Nous pouvons donc penser que le risque de redressement par l’Urssaf semble pour le moment écarté et que les CSE peuvent appliquer un critère d’ancienneté raisonnable.
Précisons toutefois que l’utilisation de ce critère ne doit pas, à notre sens, exclure dans son ensemble, une catégorie spécifique de salarié (CDD et stagiaires notamment).
L’utilisation du critère d’ancienneté doit donc se faire avec attention et une certaine parcimonie.
Justin SAILLARD - TREPPOZ / Juriste référent Aura
1/https://www.urssaf.fr/portail/files/live/sites/urssaf/files/documents/Guide-CSE.pdf
L’actualité du droit du travail et de ses évolutions… du bout des doigts.
En savoir plus