« La santé est la première de toutes les libertés » écrivait Henri Frederic Amiel il y a déjà deux siècles de ça. Si celle-ci doit être préservée par l’employeur tenu à l’égard de ses salariés d’une obligation de sécurité, le CHSCT et demain le CSE devront continuer de faire office de gendarme en la matière.
Il ne fait nul doute que les 6 ordonnances dites « Macron » ont semé le trouble et vous avez été nombreuses et nombreux à vous/nous interroger sur les prérogatives qui seront les vôtres demain.
Tel est l’objet du présent numéro de la Plume pour commencer la nouvelle année !
Ainsi, cette réforme, qui conclut (nous l’espérons tous !) un cycle de réformes initié depuis 2013 et qui aura conduit à la « fusion » des trois instances représentatives du personnel existantes nous amène à interroger nos pratiques, à les faire évoluer et à en construire de nouvelles.
Les compétences du CSE en matière de santé demeurent mais qu’en est-il des moyens ? Un luxe ? Non ! Une nécessité du côté des entreprises et des élus et salariés.
Mais tout reste à négocier.
Des leviers ? Vous en avez, faites-vous confiance et faites-nous confiance même si, la 6e ordonnance parue au JO du 21 décembre prévoit que les dispositions négociées par accord d’entreprise tombent à compter de la date du premier tour des élections des membres du CSE. Ainsi, les moyens précédemment négociés pour le CE, le CHSCT voire les DP disparaissent.
Les enjeux de négociation pour cette nouvelle instance quasi à la carte sont donc cruciaux…
La loi sur l’Etat d’Urgence ne nous a pas empêchés de vivre et de rire ; les ordonnances Macron non plus, n’y parviendront pas !
C’est donc déterminée à continuer à travailler ensemble, pour permettre de mener à bien vos combats d’aujourd’hui et ceux qui vous attendent demain, aux côtés des salariés, que toute l’équipe d’Atlantes, avec son engagement et son savoir-faire, se joint à nous pour vous présenter nos meilleurs vœux pour l’année 2018.
Merci pour votre confiance et bonne année à tous !
Evelyn BLEDNIAK, Avocat associée
NB. Pendant que nous rédigeons ce numéro, 11 décrets ont fait l’objet d’une publication au Journal Officiel pendant le mois de décembre. Il s’agit notamment des décrets relatifs au CSE, aux modèles types de lettre de notification de licenciement, aux ruptures conventionnelles collectives, etc. Vous retrouverez les décrets ici.
Le CSE conserve la mission de « contribuer à promouvoir la santé, la sécurité et les conditions de travail dans l’entreprise » et pour ce faire il dispose du moyen de « réaliser des enquêtes en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ou à caractère professionnel ». (Nouvel article L. 2312-5 alinéa 2 du Code du travail).
La disparition du CHSCT met-elle pour autant un terme aux prérogatives de cette instance lors du passage en CSE ?
Par-delà le caractère éminemment symbolique de cette décision politique, force est de constater que l’on pourrait tirer avantage des nouvelles dispositions pour freiner les ardeurs de certaines directions qui, prétextant la fusion des instances, considèreraient que le champ de la santé, de la sécurité et des conditions de travail est passé avec pertes et profits aux oubliettes de la réforme sociale.
Rien n’est moins sûr, car demain le CSE sera notamment compétent pour :
Pour compléter, le procès-verbal de la réunion du comité consacrée à l’examen du rapport et du programme est joint à toute demande présentée par l’employeur en vue d’obtenir des marchés publics, des participations publiques, des subventions, des primes de toute nature ou des avantages sociaux ou fiscaux.
Ainsi, là où les choses semblaient peut-être un peu plus structurées car regroupées dans une partie du Code du travail dédiée à la santé et la sécurité au travail, la lecture de l’ordonnance relative au dialogue social donne le sentiment d’une perte d’attributions du fait de la dilution et de l’éclatement de ces sujets.
Mais ne vous y trompez pas. Les directions ne pourront faire fi, comme certaines pouvaient le laisser sous-entendre, des questions relatives à la santé, la sécurité et des conditions de travail.
La disparition progressive du CHSCT au profit de la mise en place du CSE implique pour les représentants du personnel la nécessaire adaptation de leur mode de fonctionnement actuel au cadre fixé par les ordonnances concernant les moyens du CSE. En effet, si une grande partie des moyens dévolus jusqu’alors au CHSCT est transférée au sein de la nouvelle instance, de nombreuses adaptations ont été apportées à l’occasion de la réforme.
Les représentants du personnel au sein du CSE bénéficient d’un crédit heures unique pour l’ensemble de leurs attributions (décret à paraître au moment où nous terminons l’écriture de ce numéro). L’utilisation du crédit d’heures dépasse donc nécessairement le cadre des questions de santé sécurité et conditions de travail alors que les élus disposaient jusqu’à maintenant d’un temps dans le cadre du CHSCT, certes faible mais spécifique.
Le dispositif des inspections est maintenu dans le cadre du CSE. A noter toutefois que la périodicité imposée aux élus CHSCT « la fréquence de ces inspections étant au moins égale à celle des réunions ordinaires » n’est pas repris par l’ordonnance. Il est donc indispensable d’être vigilant quant au maintien de cette pratique en assurant l’organisation d’inspections régulières.
Le dispositif de formation spécifique aux enjeux de santé, sécurité et conditions de travail pour les élus CHSCT est maintenu au sein du CSE. Cette formation reste, comme actuellement, à la charge financière de l’employeur.
Les expertises prévues pour le CHSCT sont reconduites au sein du CSE avec toutefois l’introduction du principe de co-financement pour l’une d’entre elles.
Les droits d’alerte existants sont maintenus au sein du CSE (danger grave et imminent/ environnement et santé publique).
Le CHSCT se distinguait du CE notamment par son absence de budget propre. C’était à l’employeur de prendre en charge les dépenses liées au fonctionnement de l’instance. Désormais, il faudra s’organiser avec un budget unique pour une instance unique. Il faudra être vigilant sur les dépenses puisque l’instance aura à sa charge les frais de fonctionnement liés aux problématiques économique et santé.
Restant à la charge de l’employeur : la formation, l’expertise risque grave et l’expertise en cas de projet important modifiant les conditions de travail.
Mise en place d’une commission obligatoire dans les entreprises ou établissements :
Cette commission, véritable outil dédié aux problématiques de santé et sécurité, n’est cependant en aucun cas une résurgence du CHSCT. En effet, une partie des missions SSCT du CSE peut être déléguée à la commission sans pour autant permettre une substitution totale. Le CSE reste le seul à rendre des avis ou à pouvoir désigner un expert dans le cadre de ces attributions santé, sécurité et conditions de travail.
Les ordonnances renvoient ensuite aux représentants du personnel le soin de créer un cadre « sur mesure » permettant d’assurer le fonctionnement de cette commission.
Accord avec les membres du CSE
Modalités fixées par le règlement intérieur du CSE
En cas de mise en place par décision unilatérale, les modalités de mise en place sont réglées dans le règlement intérieur.
Après 35 ans d’existence, la disparition du CHSCT débutera le premier semestre 2018 avec la mise en place généralisée du Comité social et économique dans toutes les entreprises.
L’élection d’un CSE, entérinant la disparition du CHSCT, est obligatoire pour toutes les entreprises quel que soit l’effectif et quelle que soit la volonté des acteurs. La loi n’ouvre pas la possibilité de maintenir un CHSCT par voie d’accord, ce qui interpelle quand dans le même temps, quasiment tout devient négociable !
Cependant, pour garantir une prise en charge efficace par le CSE des missions précédemment assurées par le CHSCT, une négociation avec la direction s’imposera.
Le CSE est l’instance où tous les élus font potentiellement de tout : rendre des avis sur la situation de l’entreprise, gérer les activités sociales, étudier les projets impactant l’organisation du travail, présenter à l’employeur les problématiques d’application du droit du travail… A ce titre, il existe un risque non négligeable de dilution des problématiques de SSCT et de perte des compétences spécifiques sur les problématiques portées aujourd’hui par le CHSCT.
La mise en place d’une commission SSCT est un moyen de pallier ce risque. Obligatoire dans les entreprises d’au moins 300 salariés et celles ayant une activité à risque, elle reste facultative dans les moins de 300 salariés (voir encadré ci-dessus). Dans les deux cas, le fonctionnement et les moyens de cette commission sont à négocier par voie d’accord.
Sauf accord, le CSE est mis en place uniquement au niveau de l’entreprise. Dès lors que les DP, voire des CHSCT, sont mis en place au niveau d’établissements, mais sans comités d’établissement, le CSE mettra fin à la représentation de terrain. Dans ces entreprises, le maintien d’une représentation locale est primordial pour conserver des relais et un traitement des problématiques spécifiques à des agences, usines, établissements, sites…
A ce titre, la loi prévoit la possibilité de créer des représentants de proximité. Pour se faire, un accord collectif est nécessaire et cet accord doit tout cadrer, dès lors que la loi ne prévoit rien.
Si on ne pouvait que déplorer le peu d’heures allouées aux membres du CHSCT, on peut aussi regretter l’insuffisance des crédits heures envisagés pour le CSE en comparaison à la palette des attributions portées par l’instance. De même, les élus suppléants n’assistant plus aux réunions, les remplacements seront plus difficiles à mettre en œuvre et une certaine anticipation sera nécessaire. Les nouveaux élus du CSE se trouvent donc plus spécialisés, sans pour autant disposer de moyens supplémentaires.
Le crédit d’heures, le nombre d’élus ainsi que la présence des suppléants en réunion sont également négociables dans un sens plus favorable.
Beaucoup est à négocier. Or, la capacité des élus à obtenir de tels accords dépendra de la qualité et de la maturité du dialogue social dans l’entreprise, mais aussi et surtout de la volonté des directions. Pour que les salariés ne soient pas perdants, il sera nécessaire de prévoir un cadre négocié pour pallier les nombreuses carences de la loi.
Pour conclure, il convient de rappeler que la disparition du CHSCT à l’occasion de la mise en œuvre du CSE ne met pas un terme aux missions des représentants du personnel en matière de santé, sécurité et conditions de travail. Inchangées ou ayant fait l’objet de modification, des attributions et des moyens spécifiques à ce domaine de compétence perdurent au sein de cette nouvelle instance.
Il appartient désormais :
En refusant de s’inscrire dans cette logique, bon nombre de directions porteront une lourde responsabilité quant à la dégradation de la santé et des conditions de travail, et par voie de conséquence de la qualité des indicateurs économiques et financiers si précieuse à leurs yeux.
Olivier CADIC, Directeur département Conseil
Amélie KLAHR, Juriste
Julien PELTAIS, Juriste
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les risques physiques ne sont pas des risques liés uniquement à l’activité physique, comme peuvent l’être la manutention ou la posture de travail. Ce sont des risques liés aussi à des agents qui sont de nature variable : chimique, biologique et physique.
NB : Les ondes sonores, les ondes électromagnétiques, les ondes vibratoires et l’astreinte thermique sont intégrés dans les agents physiques.
Elles sont diverses selon la nature de l’agent exposant. Ce dernier peut donner lieu à des cancers professionnels si le salarié a été confronté à des agents chimiques, tels que l’amiante, mais également à des maladies professionnelles comme la perte d’audition liée à l’exposition au bruit.
Si, pour certains agents chimiques tels que l’amiante et la poussière de bois, le lien de causalité entre effet et dose est désormais établi, nous n’en sommes pas encore là pour de nombreux agents chimiques tels que le noir de carbone ou l’ozone, et encore plus dans l’inconnu pour les nouvelles formes d’exposition, au premier rang desquelles les nanoparticules.
Nous disposons de deux principaux indicateurs de suivi des risques physiques :
Les entreprises, qui, rappelons-le, sont tenus à l’égard de leur salarié à une obligation de sécurité de résultat, y font face en mettant en place un dispositif d’évaluation des risques et des indicateurs de suivi de l’exposition individuelle. Parmi les indicateurs utilisés par l’entreprise figure notamment celui permettant d’évaluer le niveau d’exposition « externe1 » du salarié à une substance ou à un agent chimique (VLEP2).
Cependant, ces indicateurs n’englobent pas toutes les dimensions de la réalité de l’exposition aux risques et, dès lors, ne rendent compte que d’une partie de l’information nécessaire au suivi réel de la santé au travail.
Deux démarches sont menées en parallèles :
C’est ce que nous avons constaté lors de nos expertises : la conjonction des deux analyses permet de maintenir un développement évolutif de la politique de santé au travail et de mettre en place un programme de gestion des expositions des salariés. C’est d’autant plus le cas si cette conjonction s’accompagne de la création de passerelles entre les deux approches, notamment via un débat au sein de l’entreprise et une confrontation des idées.
A l’extérieur de l’entreprise, la mise en perspective de ces deux approches a permis de revoir à la baisse des VLEP, notamment dans le cas de l’amiante et du bruit, et de reconnaître de nouvelles formes de maladies professionnelles. Les combats menés en entreprise ont donc un impact pour toute la collectivité des travailleurs.
Maria Le Calvez, Référente nationale risques physiques (SECAFI), Experte agréée par le CNPP
Retrouvez un dossier complet sur le sujet ici : http://www.secafi.com/data/document/risques-physiques—risques-chimiques.pdf
1 Externe : Evaluation
externe par opposition à l’évaluation d’exposition interne du salarié
par analyse de sang, d’urine ou par l’analyse fonctionnelle respiratoire
2 VLEP : Valeur limite d’exposition professionnelle
Depuis le 1er janvier 2015, date de mise en place du compte personnel de prévention de la pénibilité, les entreprises ont l’obligation de déclarer chaque année, le cas échéant, les salariés qui sont exposés à des facteurs de risques professionnels définis par décret et dont l’exposition dépasse un certain seuil.
Les salariés exposés au-delà du seuil réglementaire acquièrent ainsi des points sur leur compte pénibilité qu’ils peuvent utiliser pour bénéficier de formations, réduire leur temps de travail ou partir en retraite avant l’âge légal.
La réforme du Code du travail initiée par les ordonnances Macron, dans un but affiché de « simplification » faisant suite aux nombreuses critiques des organisations syndicales patronales jugeant les critères d’analyse trop complexes, supprime 4 des 10 facteurs de risques initialement arrêtés.
Le nouveau « compte professionnel de prévention » (C2P) ne comporte ainsi plus que 6 facteurs de risques que les entreprises doivent déclarer à compter du 1er octobre 2017 :
Les facteurs de risque relatifs aux manutentions manuelles de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques et l’exposition à des agents chimiques dangereux sont donc écartés.
Les salariés exposés aux quatre facteurs de risques écartés bénéficieront en contrepartie d’un accès facilité au dispositif de départ anticipé à la retraite en raison d’une incapacité permanente. Les salariés concernés pourront ainsi partir en retraite dès 60 ans sous réserve de justifier d’un taux minimal d’incapacité permanente (10%) et que cette incapacité soit reconnue au titre d’une maladie professionnelle consécutive à un ou plusieurs des 4 facteurs de risques en question.
S’agissant de ces risques, la réforme vient ainsi substituer à la prévention une logique de compensation d’un préjudice subi faute de mesures suffisantes mises en œuvre pour l’éviter.
Les cotisations sociales payées par les employeurs dont les salariés étaient exposés aux facteurs de risques seront supprimées à compter du 1er janvier 2018. Le financement est intégralement transféré à la branche AT/MP (Accident du travail/Maladie professionnelle) de la sécurité sociale.
La suppression de la cotisation spécifique fait donc disparaître toute incitation financière à la prévention et fait craindre, faute de sanction immédiate dissuasive, une certaine déresponsabilisation des employeurs en la matière.
Hélène DUPERRAY, Juriste
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