Il y a deux ans, en septembre 2017, les ordonnances dites « Macron » instituaient une nouvelle instance qui allait bouleverser le paysage de la représentation du personnel dans les entreprises. Le CSE a donc vocation à remplacer définitivement l’ensemble des CE, DP et CHSCT, au plus tard le 1er janvier 2020.
Cette nouvelle instance s’accompagne d’un nouveau paradigme, celui de la négociation. Tout ou presque est négociable dans le cadre du CSE : CSSCT, Représentants de proximité, place des suppléants, nombre d’élus, heures de délégation, expertises, réclamations individuelles et collectives, délais de consultation, budgets, parcours syndicaux, etc.
C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de publier, depuis novembre 2018, 4 dossiers sur la mise en place du CSE afin de vous permettre de suivre les négociations déjà menées en entreprise et vous alerter sur les pièges à déjouer. Nous avons donc étudié de nombreux accords d’entreprise afin de vous guider au mieux sur cet enjeu de demain.
Si aujourd’hui de nombreuses entreprises ont déjà mis en place leur CSE, nous ne pouvons que constater que trop rares sont celles qui ont ouvert une négociation sur sa mise en place. A rappeler qu’à l’exception des sujets strictement réservés au PAP, la négociation, même après la mise en place du CSE, est toujours permise sur de nombreux autres sujets.
Une carte à jouer donc !
Maxence DEFRANCE,
Juriste - Atlantes Paris/Ile-de-France
A voir sur le sujet : les étudiants du Master 2 de droit social de l’université de Montpellier ont étudié 450 accords relatifs au CSE : https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/l-actualite-du-ministere/article/evenement-une-journee-des-reussites-du-dialogue-social-pour-valoriser-les
La présence des suppléants aux réunions du comité social et économique (CSE) n’est plus de droit. Nous avons sélectionné quelques idées issues d’accords de mise en place du CSE pour vous aider à négocier leur participation aux réunions.
L’absence des suppléants aux réunions du CSE soulève deux problèmes majeurs :
Seule la négociation, dans le cadre de l’accord de mise en place du CSE et/ou dans le règlement intérieur du CSE, pourra permettre la présence des suppléants en réunion plénière.
À défaut de maintenir la présence permanente de tous les suppléants aux réunions du CSE, des solutions intermédiaires peuvent être négociées pour prévoir une présence partielle de ces derniers. Voici un florilège de clauses issues d’accords de mise en place du CSE.
Certains accords permettent la participation aux réunions plénières du CSE pour une fraction seulement des suppléants.
« Il est convenu qu’un tiers du nombre total des suppléants est autorisé à participer aux réunions du CSE. Cette proportion de suppléants autorisés à participer à la réunion ne tient pas compte des potentiels remplacements de titulaires absents. »
Ils précisent parfois les modalités de choix des suppléants amenés à siéger :
• Selon leur collège électoral
« A titre dérogatoire, pour le CSE, compte tenu de la dispersion géographique et de l’éloignement de ses membres, il est admis qu’un certain nombre de suppléants soit systématiquement convoqué à chaque réunion du CSE, que des titulaires soient absents ou non, selon les règles suivantes :
- Pour le collège employés, 1 élu suppléant par liste syndicale, par tranche de 5 suppléants élus sur cette même liste.
- Pour le collège agents de maîtrise, 1 élu suppléant de la liste majoritaire. »
• Selon leur établissement
« Les partenaires estiment, en l’absence de mise en place de représentants de proximité, que chaque unité de travail doit pouvoir être représentée lors des réunions des CSE. En conséquence, par dérogation, il est convenu que les suppléants pourront participer aux réunions pour représenter leur unité de travail, à condition qu’il n’y ait pas d’élu titulaire présent de leur unité de travail. »
• Choisis par les organisations syndicales représentatives
« Peut assister aux réunions du CSE un membre suppléant de la délégation du personnel par organisation syndicale représentative. Il est convenu que ce membre peut être différent d’une réunion à l’autre, au libre choix de chaque organisation syndicale, il participe aux débats sans droit de vote. »
• Choisis par le CSE
« Parmi les élus, participeront aux réunions avec l’employeur, les membres titulaires et 3 membres élus suppléants sans qu’ils aient besoin de remplacer un titulaire ; les élus s’organiseront entre eux et préalablement à la réunion pour déterminer quels seront les membres suppléants participants à la prochaine réunion ; ils veilleront à en informer la DRH et le N+1 du salarié concerné. »
Une autre solution mise en œuvre est de rendre possible la participation de l’ensemble des suppléants, mais seulement lors de certaines réunions plénières du CSE.
A l’occasion des informations et consultations récurrentes
A l’occasion des réunions du CSE dédiées à la santé, la sécurité et aux conditions de travail
« Afin de valoriser les suppléants dans leur rôle de représentant du personnel et de les impliquer dans la vie du Comité, il est convenu que ces derniers assistent aux réunions du Comité dès lors qu’elles portent sur tout ou partie des attributions en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail (soit au moins 4 réunions par an). »
A l’occasion de réorganisation/restructuration
Après 38 ans de bons et loyaux services, le CHSCT va s’éteindre à la fin de l’année. Et pourtant, les enjeux de santé au travail sont loin d’être derrière nous comme en attestent les 1 000 morts par an d’accident du travail ou de maladie professionnelle, les 100 000 morts dus à l’amiante d’ici à 2025 ou encore le procès en cours de France Telecom pour harcèlement moral institutionnalisé ayant conduit à de nombreux suicides.
En 2019, en France, le travail tue, abîme et engendre souffrance physique et psychologique.
Le législateur a préféré supprimer le CHSCT et transférer ses prérogatives au nouveau CSE en prévoyant que ce dernier pourrait s’appuyer sur une commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT).
La CSSCT, mise à part quelques règles d’ordre public, se négocie avant tout. La négociation de l’accord de mise en place du CSE doit permettre de définir les contours de la CSSCT, en particulier la délégation de tout ou partie des attributions du CSE relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail.
Le choix du périmètre
Le premier problème est l’évidente perte de proximité de la CSSCT puisque sa création n’est obligatoire que dans les entreprises ou établissements de 300 salariés et plus, contre 50 salariés et plus pour feu le CHSCT. Cet éloignement du terrain est particulièrement dommageable du fait du caractère spécifique de ses missions qui nécessite d’être au plus près des situations de travail des salariés. Le premier enjeu sera donc de négocier le nombre et le périmètre d’implantation des CSSCT pour préserver cet ancrage dans l’activité concrète des travailleurs.
Les missions de la CSSCT
Certains accords prévoient de déléguer à la CSSCT la totalité des attributions du CSE en matière de santé, sécurité et conditions de travail. D’autres n’accordent qu’une délégation partielle en détaillant les missions, parmi lesquelles :
L’adéquation des moyens
Les missions apparaissent disproportionnées par rapport aux moyens de la commission, qui nécessiterait des heures de délégation complémentaires conséquentes, des temps pour des réunions préparatoires propres à la CSSCT et avec le CSE, des temps pour assurer des missions spécifiques, des moyens de communication (messagerie électronique, intranet, affichage, téléphone portable, ordinateur), des moyens d’information (accès à la BDES, à de la documentation), des moyens de circulation dans l’entreprise et de réunion avec les salariés (local). Les modalités de fonctionnement de la CSSCT sont aussi importantes à négocier que ce soit sur le nombre de réunions ou sur l’élaboration de l’ordre du jour ou des comptes rendus qui ne doivent pas rester la mainmise de l’employeur ou encore sur la coordination de la CSSCT avec le CSE ou avec les représentants de proximité.
L’adéquation entre les moyens et les prérogatives de la CSSCT apparaît comme décisive mais, dans bien des cas, l’employeur subordonne les moyens à une délégation significative d’attributions par le CSE.
La CSSCT n’a pas de personnalité juridique, elle ne peut donc pas agir en justice, elle ne peut pas rendre d’avis, elle ne peut pas recourir à un expert, elle ne peut pas gérer un budget, passer un contrat... Ses procès-verbaux n’ont aucune valeur légale s’ils ne remontent pas au CSE. La CSSCT n’est pas une instance, elle n’est qu’une émanation du CSE. A trop lui déléguer, le risque est d’assécher les prérogatives du CSE qui, lui, est doté de personnalité juridique et de droits, pour les confier à une CSSCT qui ne pourra jamais se substituer à lui, et qui ne pourra donc jamais remplacer le CHSCT.
Rappel important : les dispositions légales n’imposent pas au CSE de déléguer certaines de ses missions à la CSSCT. Cette décision appartient aux élus du CSE et à eux seuls. C’est le CSE qui dispose d’une mission générale en matière de santé, sécurité et conditions de travail et toute délégation en la matière ne peut priver les membres du CSE de leurs propres attributions.
Le législateur invite les acteurs sociaux à négocier la mise en place de représentants de proximité. Il invite mais n’oblige nullement : pas d’accord, pas de représentant de proximité ! Le Code du travail reste d’ailleurs lapidaire à l’égard de ces représentants du personnel d’un nouveau genre. Aucune règle de fonctionnement, aucune prérogative n’est précisée : tout devra être défini dans l’accord.
Porter les réclamations individuelles et collectives des salariés
La grande majorité des accords signés à date assigne aux représentants de proximité la mission historique des délégués du personnel de présentation des réclamations individuelles et collectives. Les modalités d’exercice de cette prérogative varient fortement d’un accord à l’autre.
Tout d’abord, la délégation accordée par le CSE peut être :
- Totale : les représentants de proximité traitent les réclamations individuelles et collectives, dans leurs périmètres respectifs, à la place du CSE, qui leur délègue ainsi entièrement cette prérogative.
- Partielle : les représentants de proximité traitent les réclamations conjointement avec le CSE. Ils se chargent d’un premier traitement local. Seules les réclamations non résolues remontent au CSE, par exemple sous la forme d’une note annexée à l’ordre du jour des réunions du CSE.
- Nulle : les représentants de proximité sont uniquement chargés de collecter les réclamations sur leur site puis de les relayer au CSE qui reste seul habilité à les présenter à la direction.
Les attributions santé, sécurité et conditions de travail du CSE et/ou de la CSSCT sont souvent déléguées aux représentants de proximité dans leurs dimensions locales : « Les RP exercent des attributions en matière de SSCT sur le terrain, au plus près des situations de travail et des salariés de leur établissement. Ils constituent un relais d’informations entre les salariés et leurs représentants en réalisant des missions déléguées par la CSSCT. » Partenaire de la CSSCT, le représentant de proximité est chargé de lui « relayer les signaux faibles identifiés en matière de SSCT : dégradation des conditions de travail, identification des charges de travail excessives, prévention du harcèlement, risques psychosociaux, failles de sécurité ».
Exemples de missions déléguées aux représentants de proximité :
NB : Il conviendra de veiller à prévoir dans l’accord les modalités de transmission au CSE et/ou à la CSSCT des observations recueillies sur le terrain par les représentants de proximité. Par exemple, en prévoyant que les représentants de proximité ayant réalisé l’une de ces missions spécifiques puissent participer à la réunion de CSE qui traitera du point ou, au minimum, qu’ils puissent échanger avec les élus lors de la réunion préparatoire. Ceci implique de prévoir le temps de délégation nécessaire ainsi que la prise en charge des éventuels temps et frais de déplacement.
Un constat inquiétant à la lecture des premiers accords instaurant les représentants de proximité : l’asymétrie entre l’ampleur des missions confiées et l’indigence des moyens accordés. Il est important de veiller à ce que les représentants de proximité bénéficient des moyens nécessaires à l’exercice de leurs prérogatives, d’autant plus que rien n’est prévu dans le Code du travail.
Petit pense-bête pour négocier les moyens :
Le représentant de proximité est souvent considéré comme le relais entre le CSE et les salariés de son périmètre. Ce rôle d’intermédiaire au quotidien peut jouer à double sens :
Plusieurs solutions peuvent être envisagées :
En la matière, les bonnes intentions contrastent avec la portée concrète des mesures édictées. Que l’engagement dans l’instance ne rime pas avec frein à la carrière, voire représailles et puisse même être valorisé, c’est là l’enjeu de cet item de négociation.
Faute d’un dispositif législatif assurant une réelle protection, il ne peut qu’être conseillé d’en faire un item de négociation dans le cadre de la mise en place du CSE.
Les mesures prises ces dernières années restent d’effet léger, soit parce qu’elles sont peu contraignantes pour les employeurs, soit parce que leur portée reste limitée à peu d’élus…
Sur 100 accords signés depuis fin 2017, dans de petites comme de grandes entreprises de secteurs d’activité variés, seuls 20% abordent ce sujet.
Globalement, les accords pêchent par une approche encore trop restreinte à l’énoncé de grands principes, sans mesure concrète et avec peu d’engagements de la direction.
Selon les propres estimations du ministère du Travail, 200 000 élus vont perdre leur mandat d’ici fin 2019. Certaines mesures peuvent être prises :
Dans la négociation sur la mise en place du CSE, les bonnes idées nous ont paru au moins aussi nombreuses que les pièges : des dispositions trop générales, des aménagements supprimant tout ou partie du droit à expertise, des délais de consultation drastiquement raccourcis, une BDES non fonctionnelle, etc.
Evidemment, avec le nouveau triptyque qui régit le Code du travail (ordre public, négociation collective, dispositions supplétives) rien n’interdit de descendre en deçà de ce qui constituait autrefois le socle légal. Cependant, les propositions de la direction doivent être adaptées à votre représentation du personnel et votre contrepartie au moins égale aux concessions qui vous sont demandées.
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