Actus d’Atlantes

Face au barème Macron, les juges font de la résistance

 

C’est l’un des principaux points de tension des ordonnances de 2017 : le barème Macron plafonnant les indemnités en cas de licenciement injustifié ou abusif.

Pour l’exécutif, ce barème visait à donner plus de sécurité aux employeurs dans les réparations financières à payer en cas de licenciement irrégulier. Cette sécurité devait faciliter les embauches… Cinq ans plus tard, le bilan économique et social est plus contrasté. La sécurité annoncée n’a pas permis aux embauches en CDI de prendre le pas sur les embauches en CDD (qui restent 7,5 fois plus importantes). En outre, les licenciements pour faute grave ont augmenté (+32,3% en quatre ans) signe, selon l’hypothèse faite par un rapport de la DARES[#_ftnref1" style="color :#0563c1 ; text-decoration:underline" title="">[1], que la contestation en justice par le salarié licencié serait moins imprévisible et moins risquée pour l’employeur.

Pour tenter d’assurer une indemnisation adaptée, différentes décisions[2] de justice ont rejeté l’application du barème en se fondant notamment la Convention n°158 de l’OIT[3]. Son article 10 prévoit que l’indemnité pour licenciement injustifié doit être « adéquate ». Pourtant, le 11 mai 2022, la Cour de cassation jugeait le barème Macron « compatible » avec le texte de l’OIT. Le barème semblait donc conforté.

 

Deux décisions de justice résistent au barème Macron

Quelques mois après l’arrêt de la Cour de cassation, la Cour d’appel de Douai affirme, dans une autre affaire, qu’« il n’est pas démontré que le barème […] puisse assurer, dans tous les cas, une protection suffisante des personnes injustement licenciées »[4]. Comment, en effet, assurer une réparation « adéquate » face à la réalité du préjudice subi alors que l’indemnité prononcée par le juge est elle-même limitée par un barème impératif inscrit dans la loi ?

En mars dernier, un arrêt de la Cour d’appel de Grenoble[5] rappelle que la Cour de cassation a jugé ce barème « compatible » à la convention de l’OIT mais qu’elle ne l’a pas pour autant jugé « conforme ». La juridiction présente une argumentation originale : elle s’appuie sur les recommandations du comité d’experts de l’OIT rendues le 16 février 2022 invitant le gouvernement français à examiner à intervalles réguliers les modalités d’application du barème et son adéquation avec les préjudices subis. Relevant qu’«  aucune évaluation n’a été faite » par l’Etat depuis l’entrée en vigueur de la réforme en 2017, la Cour d’appel affirme « qu’il manque une condition déterminante pour que les barèmes de l’article L.1235-3 puissent trouver application dans le litige soumis à la juridiction ». En conséquence, la juridiction considère « qu’il y a lieu [d’] écarter purement et simplement  » l’application du barème Macron. L’indemnité octroyée à la salariée licenciée s’élève à 40 000€ au lieu des 24 800€ prévus en application du barème.

 

Comment évaluer la réalité du préjudice subi ?

Ces récentes décisions semblent avoir ouvert une brèche dans l’application du barème Macron. Le caractère impératif et fixe des indemnités semble pouvoir être remis en cause au nom du principe d’une réparation intégrale et individualisée du préjudice subi.

Toutefois, au-delà de ces éléments de droit, ces deux récents arrêts opposent au barème impératif et fixe de l’article L.1235-3 une prise en compte plus large et plus précises des circonstances : outre l’ancienneté et le salaire moyen pris en compte par la loi, ces récentes décisions de justice invitent à plaider les conditions du salarié et notamment les charges de famille impérieuses, la précarité économique et les difficultés à retrouver un emploi.

L’enjeu stratégique de la remise en cause du barème Macron est sans doute là : dans la démonstration d’un préjudice subi excédant le plafonnement de ce barème à partir d’un plaidoyer précis sur les conditions et circonstances particulières des salariés licenciés injustement. Cinq ans après l’entrée en application du barème Macron, le débat n’est pas clos …

 

Arthur MOREAU


[2] Jugement du 16 mai 2022 du Conseil de prud’hommes de Clermont-Ferrand (CPH Clermont-Ferrand, 16 mai 2022, n°F20/00340, Mme B. c/ SARL Coup de pouce) ; Cour d’appel de Riom rendu le 22 novembre 2022 (CA Riom, 22 novembre 2022, n°20/00479, demande jugée recevable mais infondée en l’espèce)

[3] L’Organisation Internationale du Travail est une agence de l’Organisation des Nations Unies (ONU) qui poursuit notamment comme objectif de promouvoir des standards minimaux en matière de droit du travail.

[4] Cour d’appel de Douai, Chambre sociale, Arrêt nº 1736 du 21 octobre 2022, Répertoire général nº 20/01124

[5] CA Grenoble, ch. soc. sect. B, 16 mars 2023, no 21/02048


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 [FC1]Ces deux paragraphes finaux sont à mon sens à reformuler pour plus de clarté et de précision sur les enjeux contentieux, tout en rappelant que ces deux arrêts sont des exceptions face au principe contentieux qui reste celui de l’application du barème.

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