Selon de nombreux économistes français, le « modèle allemand » aurait eu pour effet une baisse significative du taux de chômage chez nos voisins. Notre législateur n’y est pas resté insensible. La loi « El-Khomri », les ordonnances « Macron » ou encore plus dernièrement le décret sur les allocations chômage du 28 décembre 2018, s’inspirent largement du « modèle allemand » et de l’esprit d’une série de réformes adoptées outre-Rhin : les lois Hartz.
Entre 2003 et 2005, suite aux recommandations d’une commission dirigée par Peter Hartz, le gouvernement social-démocrate allemand a souhaité flexibiliser son marché du travail. Pour cela, les lois Hartz reposent sur deux piliers :
Une des mesures les plus controversées étant les Ein-Euro-Job, des emplois à un euro de l’heure pour les chômeurs de longue durée.
Or, une récente étude universitaire vient contredire les prétendus effets positifs de ces réformes sur le marché du travail allemand.
Selon Jake Bradley et Alice Kügler, chercheurs à l’Université de Nottingham et au University College de Londres, les lois Hartz ont d’abord eu pour conséquence une importante baisse des salaires (-4%). Selon ces universitaires, cette baisse est principalement liée à l’effondrement du pouvoir de négociation des chômeurs qui se retrouvent alors dans l’obligation d’accepter des contrats précaires. En position de force, les employeurs allemands n’ont donc pas hésité à diminuer les salaires. Les personnes peu qualifiées, dont le pouvoir de négociation salariale est encore plus faible, ont vu une baisse de leur salaire moyen de 10 % !
Le second constat de cette étude est plus surprenant. Alors que depuis 2005 en Allemagne, le nombre de demandeurs d’emploi a baissé de 7 points, les lois Hartz n’ont permis de diminuer le chômage que de 0,16% ! Selon Jake Bradley et Alice Kügler, la baisse du chômage outre-Rhin n’a donc aucun lien direct avec les lois Hartz et est principalement liée au vieillissement de la population ainsi qu’aux bons résultats en matière d’exportation, eux-mêmes conséquence en partie, il est vrai, de la modération salariale.
Les réformes Hartz ont donc créé un marché du travail précaire, où les salariés alternent entre des courtes périodes d’emploi et des courtes périodes sans-emploi. Tant de précarité pour une baisse du chômage de 0,16%… Le jeu en valait-il la chandelle ?
Malek SMIDA
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