Le télétravail recommandé depuis plus d’un an dans les entreprises a fait émerger de nouveaux risques psychosociaux, ou tout du moins, les a accentués dans cette période humainement compliquée. Au-delà des risques professionnels clairement identifiés comme le risque d’isolement, les incivilités numériques se sont multipliées avec le travail à distance.
Selon une étude publiée en décembre 2020, le télétravail a tendu les relations interprofessionnelles : 48 % des salariés estiment que leurs clients sont plus agressifs depuis la crise du Covid-19, suivis par leurs collègues puis leurs managers (1).
La loi est silencieuse sur ce sujet épineux. À moins d’être qualifiés d’injure ou de diffamation, des propos irritants quotidiens ne trouvent aucune définition ni sanction assortie en droit français.
De manière plus générale, les incivilités au travail, renvoient « à la violation des règles de respect mutuel, au mépris porté aux autres sous toutes ses formes. Ce sont des comportements déviants, de faible intensité, qui s’opposent aux normes d’échange et au respect d’autrui attendues et nécessaires dans un cadre professionnel » (2).
Les outils de communication numériques (courriels, réseaux sociaux d’entreprise, sms, tchat d’entreprise) sont les canaux de diffusion de ces incivilités.
Il en existe plusieurs types :
• Les incivilités dans la forme qui proviennent de contenus ou de formes inappropriés dans les messages : le vocabulaire employé, le ton et les injonctions, l’absence de formules de politesse, des messages ambigus, la taille, la couleur et le choix des polices de caractère, l’utilisation des majuscules et de la ponctuation.
• Les incivilités dans les usages qui correspondent à des usages inappropriés ou non conventionnels des outils comme l’excès de pression issu des échanges, la surcharge informationnelle, le « flicage » de l’activité, la mise en copie systématique.
• Les incivilités automatisées qui sont produites par les outils eux-mêmes (courriel automatique, automatisation des formules de politesse, message « no reply »).
Porter le sujet en CSE notamment dans le cadre de la consultation sur la politique sociale mais pas seulement. En effet,
les incivilités ont une incidence sur la santé mentale des salariés et rappelons-le, l’employeur doit tout mettre en œuvre pour protéger la santé de ses collaborateurs.
La jurisprudence a déjà eu l’occasion de se prononcer sur un défaut d’implication de l’employeur dans la prévention des risques de violence et d’incivilités auxquels les salariés étaient exposés, les juges ont confirmé que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité (Cass. soc., 15 déc. 2016, n° 15-20.987). Les incivilités numériques représentant donc un risque contentieux car sa responsabilité pourrait être engagée.
De plus, les incivilités ont un impact sur la qualité du travail fourni, les salariés vexés, blessés ou déprimés pourront être moins productifs. Des incivilités répétées peuvent également conduire à un turn over important.
Inciter les salariés à faire remonter les incivilités numériques
L’objectif étant d’analyser ces incivilités à l’échelle du collectif et non de stigmatiser les personnes concernées. Pour cela,
le CSE ou la CSSCT peuvent construire un questionnaire anonymisé et proposer des campagnes de sensibilisation et des actions de formation. Une charte pourrait également être proposée.
En outre, les membres du CSE peuvent avoir recours au droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes dans la mesure où chaque salarié a le droit au respect et à la dignité dans le cadre professionnel, y compris lors des échanges dématérialisés.
À l’heure où le télétravail tend à prendre une place plus importante dans les relations de travail pour certaines populations de travailleurs, cette question mérite à notre sens une attention toute particulière afin de prévenir les risques psychosociaux RPS que ces pratiques engendrent.
(1) Selon le baromètre de la santé au travail réalisé par OpinionWay pour Empreinte Humaine, décembre 2020
(2) Ouvrage Le numérique : nouvelles formes d’incivilité au travail - Expériences, usages, droits, témoignages, définitions (84 pages, en .pdf)
Alison VILLIERS / Juriste - Région Ouest
Le télétravail recommandé depuis plus d’un an dans les entreprises a fait émerger de nouveaux risques psychosociaux, ou tout du moins, les a accentués dans cette période humainement compliquée. Au-delà des risques professionnels clairement identifiés comme le risque d’isolement, les incivilités numériques se sont multipliées avec le travail à distance.
Selon une étude publiée en décembre 2020, le télétravail a tendu les relations interprofessionnelles : 48 % des salariés estiment que leurs clients sont plus agressifs depuis la crise du Covid-19, suivis par leurs collègues puis leurs managers (1).
La loi est silencieuse sur ce sujet épineux. À moins d’être qualifiés d’injure ou de diffamation, des propos irritants quotidiens ne trouvent aucune définition ni sanction assortie en droit français.
De manière plus générale, les incivilités au travail, renvoient « à la violation des règles de respect mutuel, au mépris porté aux autres sous toutes ses formes. Ce sont des comportements déviants, de faible intensité, qui s’opposent aux normes d’échange et au respect d’autrui attendues et nécessaires dans un cadre professionnel » (2).
Les outils de communication numériques (courriels, réseaux sociaux d’entreprise, sms, tchat d’entreprise) sont les canaux de diffusion de ces incivilités.
Il en existe plusieurs types :
• Les incivilités dans la forme qui proviennent de contenus ou de formes inappropriés dans les messages : le vocabulaire employé, le ton et les injonctions, l’absence de formules de politesse, des messages ambigus, la taille, la couleur et le choix des polices de caractère, l’utilisation des majuscules et de la ponctuation.
• Les incivilités dans les usages qui correspondent à des usages inappropriés ou non conventionnels des outils comme l’excès de pression issu des échanges, la surcharge informationnelle, le « flicage » de l’activité, la mise en copie systématique.
• Les incivilités automatisées qui sont produites par les outils eux-mêmes (courriel automatique, automatisation des formules de politesse, message « no reply »).
Porter le sujet en CSE notamment dans le cadre de la consultation sur la politique sociale mais pas seulement. En effet,
les incivilités ont une incidence sur la santé mentale des salariés et rappelons-le, l’employeur doit tout mettre en œuvre pour protéger la santé de ses collaborateurs.
La jurisprudence a déjà eu l’occasion de se prononcer sur un défaut d’implication de l’employeur dans la prévention des risques de violence et d’incivilités auxquels les salariés étaient exposés, les juges ont confirmé que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité (Cass. soc., 15 déc. 2016, n° 15-20.987). Les incivilités numériques représentant donc un risque contentieux car sa responsabilité pourrait être engagée.
De plus, les incivilités ont un impact sur la qualité du travail fourni, les salariés vexés, blessés ou déprimés pourront être moins productifs. Des incivilités répétées peuvent également conduire à un turn over important.
Inciter les salariés à faire remonter les incivilités numériques
L’objectif étant d’analyser ces incivilités à l’échelle du collectif et non de stigmatiser les personnes concernées. Pour cela,
le CSE ou la CSSCT peuvent construire un questionnaire anonymisé et proposer des campagnes de sensibilisation et des actions de formation. Une charte pourrait également être proposée.
En outre, les membres du CSE peuvent avoir recours au droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes dans la mesure où chaque salarié a le droit au respect et à la dignité dans le cadre professionnel, y compris lors des échanges dématérialisés.
À l’heure où le télétravail tend à prendre une place plus importante dans les relations de travail pour certaines populations de travailleurs, cette question mérite à notre sens une attention toute particulière afin de prévenir les risques psychosociaux RPS que ces pratiques engendrent.
(1) Selon le baromètre de la santé au travail réalisé par OpinionWay pour Empreinte Humaine, décembre 2020
(2) Ouvrage Le numérique : nouvelles formes d’incivilité au travail - Expériences, usages, droits, témoignages, définitions (84 pages, en .pdf)
Alison VILLIERS / Juriste - Région Ouest
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