Si longtemps le lien entre action des syndicats et protection de l’environnement n’est pas apparu avec évidence, tel n’est plus le cas aujourd’hui.
Alors que beaucoup d’industriels persistent à faire du chantage à l’emploi devant l’administration (Préfet, Dréal [1]) comme devant les juges, pour essayer de « justifier » la poursuite d’activités portant atteinte à l’environnement[2], les syndicats et les associations de protection de l’environnement tentent quant à eux de porter un message commun de justice sociale et environnementale.
Le rôle des syndicats dans la protection de l’environnement se traduit notamment par la grève, les négociations collectives et les actions en justice.
Par définition, la grève résulte d’un arrêt collectif et concerté de travail, en vue d’appuyer des revendications professionnelles déterminées[3]. Pour revêtir la qualification de « grève » (opposé à mouvement illicite), le mouvement déclenché par les salariés doit nécessairement viser des préoccupations professionnelles ou sociales au sein de leur travail.[4]
Déclencher une grève basée sur des préoccupations liées uniquement à la protection de l’environnement est donc impossible.
En revanche, si les préoccupations liées à la santé ou la sécurité des salariés, à leurs conditions de travail ou d’emploi, sont intégrées aux revendications environnementales, celles-ci peuvent justifier un mouvement de grève.
Ce fut le cas de la grève exercée par les salariés de l’usine d’incinération des déchets, Sénerval (filiale du groupe Séché Environnement) située à proximité de Strasbourg, qui a duré presque 3 mois, entre le 21 mars et le 10 juin 2014. Les salariés avaient également exercé leur droit de retrait à partir du 23 avril.
La CGT, à l’origine du déclenchement de cette grève, déplorait les conditions de travail « dangereuses et nocives pour la santé des salariés ». La CGT reprochait par ailleurs à Sénerval de « faire courir des risques sanitaires à la population strasbourgeoise », ce que la direction démentait.
Après 60 jours de grève, alors que la direction démentait toute pollution atmosphérique, la CGT a révélé publiquement les données chiffrées des rejets de polluant dans l’air, qui dépassaient nettement les seuils autorisés :
« Ainsi le 17 décembre, vers 7h du matin, l’usine a rejeté 181,5 mg/m³ de poussières quand le seuil maximum autorisé est de 30 mg/m³. Au même moment, 314,5 mg/m³ d’azote ont été envoyés dans l’atmosphère quand le seuil maximum instantané est de 150 mg/m³. Des dépassements de ce genre, les grévistes en ont relevé des dizaines et des dizaines. »[5]
A la suite de ce conflit social, la préfecture a ordonné à l’exploitant de réaliser des travaux d’urgence, semble-t-il insuffisants, car les dysfonctionnements ont perduré, donnant lieu à un arrêt total de l’usine pour une durée de 2 ans et demi, à partir de septembre 2017.
Aujourd’hui, malgré les investissements publics de 200 millions d’euros, les emplois des salariés sont plus que menacés, 1/3 du personnel étant déjà parti, en moins de 2 ans, sous forme de licenciements ou démissions.
Il est vraisemblable que les atteintes de l’entreprise à l’environnement ont participé à la situation dans laquelle se trouvent les salariés aujourd’hui. En l’occurrence, si l’entreprise avait été soucieuse de ses impacts environnementaux, il n’y aurait sans doute pas eu tant de répercussions négatives sur la santé et l’emploi des salariés.
A cet égard, la convention de partenariat de la fédération des associations de protection de l’environnement France Nature Environnement (FNE) avec un syndicat de salariés, précise que :
« Faire primer les questions environnementales sur les questions sociales serait contreproductif et voué à l’échec. En conséquence, les solutions que nous avons à construire doivent permettre de concilier transition écologique et justice sociale pour tous. » [6]
Interview d’Arnaud SCHWARTZ, secrétaire national de France Nature Environnement, sur les partenariats de la fédération des associations de protection de l’environnement avec des syndicats de salariés
Pourquoi avoir mis en place un tel partenariat avec des syndicats de salariés ? « Dans un premier temps, pour apprendre à se connaitre et permettre ensuite de prendre position collectivement sur des sujets au long court ou des dossiers d’actualités. L’objectif était d’échanger et de brasser des personnes d’horizons divers pour réfléchir ensemble aux moyens de faire face à la crise environnementale, sociale et économique. Les tribunes et communiqués de presse réalisées avec les collectifs ‘Faire vivre les places de la république’ et le ‘Pacte du pouvoir de vivre’ sont des exemples montrant que nous savons de plus en plus porter d’une seule voix notre objectif commun : ne plus dissocier les questions sociales et environnementales pour donner à chacun le pouvoir de vivre au sein d’un monde vivable. »
Quand a débuté le partenariat de FNE avec des syndicats de salariés ? « En 2016, nous avons signé deux conventions de partenariat avec deux syndicats de salariés, dont la CFDT. Une convention de renouvellement de ce partenariat, beaucoup plus ambitieuse que la première, a été signée en septembre 2019, pour l’un, et devrait bientôt être signée, pour l’autre. »
Qu’avez-vous retenu de cette première collaboration ? « De rassembler des acteurs du monde des travailleurs et de la protection de l’environnement a permis de créer une coalition plus grande et avoir un rapport de force plus important. Nos techniques et méthodes sont différentes, l’union a eu pour effet de sensibiliser un public beaucoup plus large à nos positionnements. Jusqu’au mouvement des « Gilets Jaunes » les corps intermédiaires n’ont quasiment pas été entendus par le gouvernement. En agissant main dans la main, syndicats et associations ont obtenu d’être reçus ensemble par le Premier Ministre à l’issue du Grand Débat National. Des groupes de travail avec divers ministres vont prochainement en découler afin de donner suite à nos propositions. »
En quoi la nouvelle convention de partenariat est-elle plus ambitieuse ? « Notre nouvelle coopération vise notamment à :
|
Dans le cadre de négociations d’accords collectifs, les syndicats peuvent jouer un rôle de créateurs de normes environnementales.
Certaines grandes entreprises multinationales ont ainsi conclu avec des syndicats des accords collectifs dans lesquels elles s’engagent à respecter des principes de RSE et de développement durable. C’est notamment le cas de GDF, Rhodia, Lafarge, Safran, Valeo, Solvay, Pernod Ricard, Total, EDF, Casino. Ces accords sont le plus souvent conclus au niveau européen.
Pour la plupart, ils s’engagent à respecter a minima la norme ISO 14001 relative au management environnemental. Elle vise à donner des outils pratiques aux entreprises qui souhaitent maîtriser leurs risques de pollution et améliorer leurs performances environnementales (exemples : réduction des déchets, réduction des émissions de Gaz à effet de serre, réduction des pollutions, etc).
L’accord collectif Pernod Ricard prévoit notamment que :
« Le Groupe reconnaît que ses activités sont génératrices d’impacts sur l’environnement dans différents domaines tels que l’utilisation de ressources naturelles (eau, énergie, matières premières...), la qualité de l’eau, de l’air et du sol, la génération de déchets, le changement climatique ou encore l’état de la biodiversité.
Pour réduire cet impact, le Groupe doit mesurer son empreinte et mettre en place des mesures adaptées en vue de la préservation de l’environnement.
Pour les filiales industrielles, cela doit être fait au moyen de systèmes de management environnemental conformes à la norme ISO 14001. […] La Direction Technique de Pernod Ricard anime et coordonne les actions des filiales, notamment par la réalisation d’un reporting annuel et d’audits réguliers. »
(Accord européen du 7 janvier 2014 sur la responsabilité sociétale de l’entreprise (Pernod Ricard))
Pour un autre exemple, dans l’accord collectif sur la RSE de Valeo (équipementier automobile français), le groupe prend notamment les engagements suivants :
« […]
[…] »
(Accord du 10 juillet 2012 – RSE – Valeo)
En outre, la négociation de branche sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), s’appuyant sur les travaux de « l’observatoire prospectif des métiers et des qualifications », doit porter une attention particulière aux mutations professionnelles liées aux filières et aux métiers de la transition écologique et énergétique[7].
Autrement dit, les partenaires sociaux devraient réfléchir, ensemble, au niveau de la branche, aux façons d’anticiper les conséquences de la transition écologique et énergétique sur les emplois (exemple : formation initiale pour les nouveaux emplois dits « verts », formation continue pour adapter les métiers au changement de modèle énergétique etc…)
A l’instar des accords collectifs « classiques », les syndicats pourront suivre et contrôler leur application, notamment par la voie d’action judiciaire (exemple : action en justice pour demander l’application de l’accord collectif).
L’article L. 2132-3 du Code du travail précise que : « Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent. »
Encore une fois, l’action syndicale en matière environnementale est possible à la condition qu’elle trouve un lien avec les intérêts de la profession. A noter que le préjudice peut être direct ou indirect, de sorte que le syndicat n’a pas à justifier de l’atteinte directe à la santé d’un salarié qu’il représente.
L’action en justice du syndicat peut être réalisée à titre préventif ou réparateur.
Dans une décision du Tribunal administratif de Strasbourg du 6 juillet 2001, le juge a admis le recours d’un syndicat en annulation d’un arrêté préfectoral d’autorisation d’exploiter, qui, selon la CFDT des mineurs de Lorraine, aurait des « répercussions sur la santé publique, et était susceptible de porter atteinte aux intérêts sociaux du personnel qui travaille à proximité de la centrale [thermique] ».
Quant aux CE et CHSCT ou au CSE, ils ne peuvent par principe défendre que leurs propres intérêts, légitimes, directs et personnels[8] et non les intérêts individuels des salariés. Leurs actions sont restreintes aux manquements de l’employeur notamment à ses obligations en matière d’information/consultation (exemples : délit d’entrave, demande d’informations, etc..).
Toutefois, le Conseil d’Etat reconnait au comité central d’entreprise (CCE) la possibilité de contester des décisions administratives dès lors qu’elles sont « de nature à affecter les conditions d’emploi et de travail du personnel de l’entreprise », et ce, « de façon suffisamment directe et certaine » [9]. Cette décision est à notre sens transposable au CSE et lui permettrait d’agir devant le tribunal administratif en annulation d’un arrêté préfectoral d’autorisation d’exploiter, comme cela a été reconnu pour le syndicat (cf. supra).
En résumé, le syndicat peut empêcher ou suspendre un projet industriel nuisible pour l’environnement, notamment :
Un accident du travail ou une maladie professionnelle peut être provoqué par le non-respect de prescriptions techniques en matière d’hygiène et de sécurité ou encore d’environnement.
Or, un syndicat peut se constituer partie civile en cas d’infractions mettant en danger la santé des personnes exerçant dans cette profession, ou dans l’hypothèse d’un accident de travail dû à la violation de la réglementation en vigueur[12].
En revanche, ni le CHSCT, ni le comité d’entreprise ni le CSE ne se sont vus -pour l’instant- reconnaître le droit d’agir en réparation des préjudices dus à un accident industriel.
Il en aurait peut-être été autrement s’il avait été reconnu une réelle compétence environnementale au CHSCT (et aujourd’hui au CSE), comme cela avait été préconisé lors du Grenelle de l’environnement.
Suite à l’incident de Lubrizol, il serait a notre sens opportun de repenser l’implication des représentants du personnel dans la défense des intérêts environnementaux, et notamment en attribuant des compétences explicites en la matière au CSE.
Amélie KLAHR
Juriste - Atlantes Paris/Ile-de-France
[1], Direction Régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement
[2] Jugement du TA de Strasbourg du 6 juillet 2001 n°002635 - argument de l’entreprise : « l’arrêté litigieux contribue au maintien de l’activité de la chaudière et par suite au maintien des emplois de salariés de la centrale membre du syndicat requérant. »
Dans le même ordre d’idée, Raymond Léost, membre du réseau juridique de FNE, raconte que certains employeurs n’hésitent pas, lorsqu’ils sont assignés en justice par une association de protection de l’environnement par exemple, à affréter des bus pour faire venir des ouvriers à l’audience en vue de signifier à l’association (et aux juges) : ’Voilà les gens qui perdront leur travail si votre démarche aboutit’" - Article franceinfo « Subir les rejets polluants pour protéger les emplois : les riverains d’usines racontent à #alertepollution leur quotidien infernal ».
[3] Cass. Soc. 23 octobre 2007, n°06-17802
[4] Cass. Soc. 29 mai 1979, n° 78-40.553
[5] <a href=’https://www.rue89strasbourg.com/usine-dincineration-poursuite-de-la-greve-mesures-de-securite-supplementaires-65124’>
[6] Nouvel accord de coopération entre FNE et un syndicat de salarié – conclu le 25 septembre 2019
[7] Article L. 2241-12 du Code du travail
[8] Article 31 du Code de procédure civile
[9] CE 3 mars 2006, nº 287960
[10] TA de Pau, 26 juin 2006 – Association « Sepanso Landes » n°030050
[11] Cass. Soc. 5 mars 2008, nº 06-45.888 – affaire défendue par le Cabinet Atlantes
[12] Cass. crim., 26 oct. 1967 , n°67-91098
Si longtemps le lien entre action des syndicats et protection de l’environnement n’est pas apparu avec évidence, tel n’est plus le cas aujourd’hui.
Alors que beaucoup d’industriels persistent à faire du chantage à l’emploi devant l’administration (Préfet, Dréal [1]) comme devant les juges, pour essayer de « justifier » la poursuite d’activités portant atteinte à l’environnement[2], les syndicats et les associations de protection de l’environnement tentent quant à eux de porter un message commun de justice sociale et environnementale.
Le rôle des syndicats dans la protection de l’environnement se traduit notamment par la grève, les négociations collectives et les actions en justice.
Par définition, la grève résulte d’un arrêt collectif et concerté de travail, en vue d’appuyer des revendications professionnelles déterminées[3]. Pour revêtir la qualification de « grève » (opposé à mouvement illicite), le mouvement déclenché par les salariés doit nécessairement viser des préoccupations professionnelles ou sociales au sein de leur travail.[4]
Déclencher une grève basée sur des préoccupations liées uniquement à la protection de l’environnement est donc impossible.
En revanche, si les préoccupations liées à la santé ou la sécurité des salariés, à leurs conditions de travail ou d’emploi, sont intégrées aux revendications environnementales, celles-ci peuvent justifier un mouvement de grève.
Ce fut le cas de la grève exercée par les salariés de l’usine d’incinération des déchets, Sénerval (filiale du groupe Séché Environnement) située à proximité de Strasbourg, qui a duré presque 3 mois, entre le 21 mars et le 10 juin 2014. Les salariés avaient également exercé leur droit de retrait à partir du 23 avril.
La CGT, à l’origine du déclenchement de cette grève, déplorait les conditions de travail « dangereuses et nocives pour la santé des salariés ». La CGT reprochait par ailleurs à Sénerval de « faire courir des risques sanitaires à la population strasbourgeoise », ce que la direction démentait.
Après 60 jours de grève, alors que la direction démentait toute pollution atmosphérique, la CGT a révélé publiquement les données chiffrées des rejets de polluant dans l’air, qui dépassaient nettement les seuils autorisés :
« Ainsi le 17 décembre, vers 7h du matin, l’usine a rejeté 181,5 mg/m³ de poussières quand le seuil maximum autorisé est de 30 mg/m³. Au même moment, 314,5 mg/m³ d’azote ont été envoyés dans l’atmosphère quand le seuil maximum instantané est de 150 mg/m³. Des dépassements de ce genre, les grévistes en ont relevé des dizaines et des dizaines. »[5]
A la suite de ce conflit social, la préfecture a ordonné à l’exploitant de réaliser des travaux d’urgence, semble-t-il insuffisants, car les dysfonctionnements ont perduré, donnant lieu à un arrêt total de l’usine pour une durée de 2 ans et demi, à partir de septembre 2017.
Aujourd’hui, malgré les investissements publics de 200 millions d’euros, les emplois des salariés sont plus que menacés, 1/3 du personnel étant déjà parti, en moins de 2 ans, sous forme de licenciements ou démissions.
Il est vraisemblable que les atteintes de l’entreprise à l’environnement ont participé à la situation dans laquelle se trouvent les salariés aujourd’hui. En l’occurrence, si l’entreprise avait été soucieuse de ses impacts environnementaux, il n’y aurait sans doute pas eu tant de répercussions négatives sur la santé et l’emploi des salariés.
A cet égard, la convention de partenariat de la fédération des associations de protection de l’environnement France Nature Environnement (FNE) avec un syndicat de salariés, précise que :
« Faire primer les questions environnementales sur les questions sociales serait contreproductif et voué à l’échec. En conséquence, les solutions que nous avons à construire doivent permettre de concilier transition écologique et justice sociale pour tous. » [6]
Interview d’Arnaud SCHWARTZ, secrétaire national de France Nature Environnement, sur les partenariats de la fédération des associations de protection de l’environnement avec des syndicats de salariés
Pourquoi avoir mis en place un tel partenariat avec des syndicats de salariés ? « Dans un premier temps, pour apprendre à se connaitre et permettre ensuite de prendre position collectivement sur des sujets au long court ou des dossiers d’actualités. L’objectif était d’échanger et de brasser des personnes d’horizons divers pour réfléchir ensemble aux moyens de faire face à la crise environnementale, sociale et économique. Les tribunes et communiqués de presse réalisées avec les collectifs ‘Faire vivre les places de la république’ et le ‘Pacte du pouvoir de vivre’ sont des exemples montrant que nous savons de plus en plus porter d’une seule voix notre objectif commun : ne plus dissocier les questions sociales et environnementales pour donner à chacun le pouvoir de vivre au sein d’un monde vivable. »
Quand a débuté le partenariat de FNE avec des syndicats de salariés ? « En 2016, nous avons signé deux conventions de partenariat avec deux syndicats de salariés, dont la CFDT. Une convention de renouvellement de ce partenariat, beaucoup plus ambitieuse que la première, a été signée en septembre 2019, pour l’un, et devrait bientôt être signée, pour l’autre. »
Qu’avez-vous retenu de cette première collaboration ? « De rassembler des acteurs du monde des travailleurs et de la protection de l’environnement a permis de créer une coalition plus grande et avoir un rapport de force plus important. Nos techniques et méthodes sont différentes, l’union a eu pour effet de sensibiliser un public beaucoup plus large à nos positionnements. Jusqu’au mouvement des « Gilets Jaunes » les corps intermédiaires n’ont quasiment pas été entendus par le gouvernement. En agissant main dans la main, syndicats et associations ont obtenu d’être reçus ensemble par le Premier Ministre à l’issue du Grand Débat National. Des groupes de travail avec divers ministres vont prochainement en découler afin de donner suite à nos propositions. »
En quoi la nouvelle convention de partenariat est-elle plus ambitieuse ? « Notre nouvelle coopération vise notamment à :
|
Dans le cadre de négociations d’accords collectifs, les syndicats peuvent jouer un rôle de créateurs de normes environnementales.
Certaines grandes entreprises multinationales ont ainsi conclu avec des syndicats des accords collectifs dans lesquels elles s’engagent à respecter des principes de RSE et de développement durable. C’est notamment le cas de GDF, Rhodia, Lafarge, Safran, Valeo, Solvay, Pernod Ricard, Total, EDF, Casino. Ces accords sont le plus souvent conclus au niveau européen.
Pour la plupart, ils s’engagent à respecter a minima la norme ISO 14001 relative au management environnemental. Elle vise à donner des outils pratiques aux entreprises qui souhaitent maîtriser leurs risques de pollution et améliorer leurs performances environnementales (exemples : réduction des déchets, réduction des émissions de Gaz à effet de serre, réduction des pollutions, etc).
L’accord collectif Pernod Ricard prévoit notamment que :
« Le Groupe reconnaît que ses activités sont génératrices d’impacts sur l’environnement dans différents domaines tels que l’utilisation de ressources naturelles (eau, énergie, matières premières...), la qualité de l’eau, de l’air et du sol, la génération de déchets, le changement climatique ou encore l’état de la biodiversité.
Pour réduire cet impact, le Groupe doit mesurer son empreinte et mettre en place des mesures adaptées en vue de la préservation de l’environnement.
Pour les filiales industrielles, cela doit être fait au moyen de systèmes de management environnemental conformes à la norme ISO 14001. […] La Direction Technique de Pernod Ricard anime et coordonne les actions des filiales, notamment par la réalisation d’un reporting annuel et d’audits réguliers. »
(Accord européen du 7 janvier 2014 sur la responsabilité sociétale de l’entreprise (Pernod Ricard))
Pour un autre exemple, dans l’accord collectif sur la RSE de Valeo (équipementier automobile français), le groupe prend notamment les engagements suivants :
« […]
[…] »
(Accord du 10 juillet 2012 – RSE – Valeo)
En outre, la négociation de branche sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), s’appuyant sur les travaux de « l’observatoire prospectif des métiers et des qualifications », doit porter une attention particulière aux mutations professionnelles liées aux filières et aux métiers de la transition écologique et énergétique[7].
Autrement dit, les partenaires sociaux devraient réfléchir, ensemble, au niveau de la branche, aux façons d’anticiper les conséquences de la transition écologique et énergétique sur les emplois (exemple : formation initiale pour les nouveaux emplois dits « verts », formation continue pour adapter les métiers au changement de modèle énergétique etc…)
A l’instar des accords collectifs « classiques », les syndicats pourront suivre et contrôler leur application, notamment par la voie d’action judiciaire (exemple : action en justice pour demander l’application de l’accord collectif).
L’article L. 2132-3 du Code du travail précise que : « Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent. »
Encore une fois, l’action syndicale en matière environnementale est possible à la condition qu’elle trouve un lien avec les intérêts de la profession. A noter que le préjudice peut être direct ou indirect, de sorte que le syndicat n’a pas à justifier de l’atteinte directe à la santé d’un salarié qu’il représente.
L’action en justice du syndicat peut être réalisée à titre préventif ou réparateur.
Dans une décision du Tribunal administratif de Strasbourg du 6 juillet 2001, le juge a admis le recours d’un syndicat en annulation d’un arrêté préfectoral d’autorisation d’exploiter, qui, selon la CFDT des mineurs de Lorraine, aurait des « répercussions sur la santé publique, et était susceptible de porter atteinte aux intérêts sociaux du personnel qui travaille à proximité de la centrale [thermique] ».
Quant aux CE et CHSCT ou au CSE, ils ne peuvent par principe défendre que leurs propres intérêts, légitimes, directs et personnels[8] et non les intérêts individuels des salariés. Leurs actions sont restreintes aux manquements de l’employeur notamment à ses obligations en matière d’information/consultation (exemples : délit d’entrave, demande d’informations, etc..).
Toutefois, le Conseil d’Etat reconnait au comité central d’entreprise (CCE) la possibilité de contester des décisions administratives dès lors qu’elles sont « de nature à affecter les conditions d’emploi et de travail du personnel de l’entreprise », et ce, « de façon suffisamment directe et certaine » [9]. Cette décision est à notre sens transposable au CSE et lui permettrait d’agir devant le tribunal administratif en annulation d’un arrêté préfectoral d’autorisation d’exploiter, comme cela a été reconnu pour le syndicat (cf. supra).
En résumé, le syndicat peut empêcher ou suspendre un projet industriel nuisible pour l’environnement, notamment :
Un accident du travail ou une maladie professionnelle peut être provoqué par le non-respect de prescriptions techniques en matière d’hygiène et de sécurité ou encore d’environnement.
Or, un syndicat peut se constituer partie civile en cas d’infractions mettant en danger la santé des personnes exerçant dans cette profession, ou dans l’hypothèse d’un accident de travail dû à la violation de la réglementation en vigueur[12].
En revanche, ni le CHSCT, ni le comité d’entreprise ni le CSE ne se sont vus -pour l’instant- reconnaître le droit d’agir en réparation des préjudices dus à un accident industriel.
Il en aurait peut-être été autrement s’il avait été reconnu une réelle compétence environnementale au CHSCT (et aujourd’hui au CSE), comme cela avait été préconisé lors du Grenelle de l’environnement.
Suite à l’incident de Lubrizol, il serait a notre sens opportun de repenser l’implication des représentants du personnel dans la défense des intérêts environnementaux, et notamment en attribuant des compétences explicites en la matière au CSE.
Amélie KLAHR
Juriste - Atlantes Paris/Ile-de-France
[1], Direction Régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement
[2] Jugement du TA de Strasbourg du 6 juillet 2001 n°002635 - argument de l’entreprise : « l’arrêté litigieux contribue au maintien de l’activité de la chaudière et par suite au maintien des emplois de salariés de la centrale membre du syndicat requérant. »
Dans le même ordre d’idée, Raymond Léost, membre du réseau juridique de FNE, raconte que certains employeurs n’hésitent pas, lorsqu’ils sont assignés en justice par une association de protection de l’environnement par exemple, à affréter des bus pour faire venir des ouvriers à l’audience en vue de signifier à l’association (et aux juges) : ’Voilà les gens qui perdront leur travail si votre démarche aboutit’" - Article franceinfo « Subir les rejets polluants pour protéger les emplois : les riverains d’usines racontent à #alertepollution leur quotidien infernal ».
[3] Cass. Soc. 23 octobre 2007, n°06-17802
[4] Cass. Soc. 29 mai 1979, n° 78-40.553
[5] <a href=’https://www.rue89strasbourg.com/usine-dincineration-poursuite-de-la-greve-mesures-de-securite-supplementaires-65124’>
[6] Nouvel accord de coopération entre FNE et un syndicat de salarié – conclu le 25 septembre 2019
[7] Article L. 2241-12 du Code du travail
[8] Article 31 du Code de procédure civile
[9] CE 3 mars 2006, nº 287960
[10] TA de Pau, 26 juin 2006 – Association « Sepanso Landes » n°030050
[11] Cass. Soc. 5 mars 2008, nº 06-45.888 – affaire défendue par le Cabinet Atlantes
[12] Cass. crim., 26 oct. 1967 , n°67-91098
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