La loi du 8 août 2016 a introduit dans le Code du travail un « droit à la déconnexion » et a renvoyé en priorité à la négociation collective la tâche d’en fixer le contenu et les modalités.
La NAO sur la QVT doit obligatoirement porter notamment sur « les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par (entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. ».
A notre sens, cet accord devrait être majoritaire puisqu’il concerne la durée du travail, les repos et/ou les congés.
« L’employeur élabore une charte, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.
Cette charte définit ces modalités de (exercice du droit à la déconnexion et prévoit en outre la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. »
L’accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine notamment les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son « droit à la déconnexion ».
(Voir notre numéro de septembre 2016)
Les modalités du « droit à la déconnexion » sont alors définies par l’employeur et communiquées par tout moyen aux salariés concernés. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, ces modalités sont conformes à la charte élaborée à défaut d’accord conclu à l’issue de la NAO sur la QVt.
Le « droit à la déconnexion » est, à première vue, une évidence voire une lapalissade. il va en effet a priori de soi qu’en dehors du temps et du lieu de travail, le salarié doit pouvoir bénéficier de son droit à repos et à congés et vaquer librement à ses occupations personnelles et familiales - sans qu’il soit besoin de lui accorder un « droit à la déconnexion ».
Cela étant, ce constat peut être nuancé au regard des finalités du « droit à la déconnexion ».
Nul ne peut contester que le développement des technologies d’information et de communication (TIC) est une source de risques psychosociaux dès lors qu’il peut entraîner en particulier une augmentation de la charge de travail, un effacement des frontières entre vie personnelle et vie professionnelle, une surcharge d’informations, un isolement des salariés, etc.
Ainsi, le sujet du « droit à la déconnexion » a trait à plusieurs volets de négociation collective et relève non seulement des attributions des organisations syndicales mais aussi de celles des institutions représentatives du personnel (CE, CHSCT, dp), compétentes en matière de durée du travail, de santé et de sécurité des salariés, etc. Ceci invite à ne pas retenir une approche superficielle du « droit à la déconnexion » consistant à ne traiter que les seuls effets d’une utilisation irraisonnée des outils numériques sans traiter les causes de cette utilisation (liées par exemple à la charge de travail des salariés, etc.) (cf. accord Orange, infra).
Il n’existe pas d’accord-type sur le « droit à la négociation », ni de solutions clés en main. La loi n’a d’ailleurs pas donné de définition du « droit à la déconnexion » et les partenaires sociaux disposent donc d’une importante marge de manœuvre pour préciser le contenu et les modalités de ce droit, en vue de l’adapter à leur entreprise, que ce soit en dehors ou pendant le temps de travail (cf. accord Renault, infra).
Il s’agit de déterminer les enjeux propres à l’entreprise en matière d’utilisation des TIC et, le cas échéant, d’adapter les règles du droit à la déconnexion aux différents salariés (cette nécessité d’adaptation est d’autant plus flagrante pour les entreprises de dimension mondiale et/ou travaillant avec des clients étrangers susceptibles d’entrer en contact 24h sur 24h compte tenu des décalages horaires). Pour ce faire, il convient d’interroger tous les salariés sur leurs pratiques et leurs rapports aux TIC au sein de l’entreprise (par l’intermédiaire de questionnaires, de réunions d’expression, ...). Par ailleurs, plusieurs documents existant peuvent servir d’utiles sources d’informations à ce sujet :
Enfin, il est opportun à notre sens, avant l’ouverture de la phase de négociation, de demander à la direction de vous transmettre un diagnostic complet de l’utilisation des TIC dans l’entreprise.
Cette démarche vous permettra :
L’objectif est de retenir les modalités les plus adaptées aux salariés - étant relevé que la « déconnexion » ne saurait être exclusivement technique (il s’agit surtout de créer les conditions d’une possible « déconnexion psychique » des salariés).
Ces modalités peuvent être diverses (blocage des serveurs, message d’absence, transfert de courriels automatiques, etc.), étant précisé qu’il n’existe pas de solution « miracle » en soi. Par exemple, la solution de blocage des serveurs pendant les week-ends n’est pas nécessairement la panacée (ce blocage n’empêche pas forcément le salarié de rester « connecté » durant ses repos - en emportant du travail sur clé USB ou autre).
Quelles que soient les modalités retenues, le respect du droit à la déconnexion ne doit pas peser sur le salarié seul - comme le prévoient de nombreux accords se bornant à inviter le salarié à ne pas répondre aux sollicitations en dehors du temps de travail, soi-disant en vue de le « responsabiliser ». Le cas échéant, la responsabilité peut être partagée (cf. CCN du commerce de gros, infra). En tout état de cause, il revient in fine à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés.
S’assurer de la mise en place d’actions de formation sur l’utilisation des TIC primordiales pour sensibiliser et déculpabiliser les salariés
Plus largement, se saisir du « droit à la déconnexion » pour lutter contre la charge de travail
La négociation du « droit à la négociation » est l’occasion d’inciter l’employeur à prévoir des évaluations régulières de la charge de travail des salariés en vue d’éviter une utilisation nuisible des TIC.
A cet égard, l’accord peut par exemple prévoir un suivi régulier de cette charge de travail (grâce à des questionnaires, des entretiens périodiques par exemple), des dispositifs d’alerte, etc. Dans le même esprit, il serait utile d’aborder la question du « droit à la déconnexion » lors des négociations sur le télétravail.
Quelques exemples d’accords sur le « droit à la déconnexion »
CCN Banque populaire (accord du 6 juillet 2016) : « Les entreprises entendent partager les règles de bonnes pratiques de la messagerie et des outils à distance. Elles reconnaissent un droit individuel à la déconnexion pour tous, qui se traduit notamment par l’absence d’obligation, pour le receveur, de répondre aux mails en dehors de son temps de travail ; une mention automatique pourra être intégrée dans la signature électronique de la messagerie précisant ce point ».
(accord du 27 septembre 2016) : « Les parties considèrent (...) que le droit légitime et nécessaire à la déconnexion n’est pas suffisant car il cherche à contraindre les seuls effets induits par un usage excessif ou incontrôlé des outils numériques mais il ne s’attaque pas à ses causes. C’est pourquoi, ce droit s’accompagnera d’une réflexion et de mesures portant sur les causes mêmes des usages excessifs des outils numériques : comportement individuel, organisation du travail, absence de formation ou d’évaluation des usages... ».
CCN du Commerce de gros (avenant du 30 juin 2016) : « L’effectivité du respect par le salarié des durées minimales de repos (...) implique pour ce dernier une obligation de déconnexion des outils de communication à distance. L’employeur prendra les dispositions nécessaires afin d’assurer le respect par ses salariés de cette obligation de déconnexion... ».
Renault France (accord du 13 janvier 2017) : « Le droit à la déconnexion peut s’exercer également pendant le temps de travail. Ainsi, pour des questions d’efficacité notamment, il est préférable que l’usage de la messagerie électronique et de la messagerie instantanée soit restreint pendant le déroulement des réunions de service, dans la mesure du possible ».
Olivier CADIC, Directeur du département assistance et conseil
Benoît MASNOU, Avocat
La loi du 8 août 2016 a introduit dans le Code du travail un « droit à la déconnexion » et a renvoyé en priorité à la négociation collective la tâche d’en fixer le contenu et les modalités.
La NAO sur la QVT doit obligatoirement porter notamment sur « les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par (entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. ».
A notre sens, cet accord devrait être majoritaire puisqu’il concerne la durée du travail, les repos et/ou les congés.
« L’employeur élabore une charte, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.
Cette charte définit ces modalités de (exercice du droit à la déconnexion et prévoit en outre la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. »
L’accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine notamment les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son « droit à la déconnexion ».
(Voir notre numéro de septembre 2016)
Les modalités du « droit à la déconnexion » sont alors définies par l’employeur et communiquées par tout moyen aux salariés concernés. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, ces modalités sont conformes à la charte élaborée à défaut d’accord conclu à l’issue de la NAO sur la QVt.
Le « droit à la déconnexion » est, à première vue, une évidence voire une lapalissade. il va en effet a priori de soi qu’en dehors du temps et du lieu de travail, le salarié doit pouvoir bénéficier de son droit à repos et à congés et vaquer librement à ses occupations personnelles et familiales - sans qu’il soit besoin de lui accorder un « droit à la déconnexion ».
Cela étant, ce constat peut être nuancé au regard des finalités du « droit à la déconnexion ».
Nul ne peut contester que le développement des technologies d’information et de communication (TIC) est une source de risques psychosociaux dès lors qu’il peut entraîner en particulier une augmentation de la charge de travail, un effacement des frontières entre vie personnelle et vie professionnelle, une surcharge d’informations, un isolement des salariés, etc.
Ainsi, le sujet du « droit à la déconnexion » a trait à plusieurs volets de négociation collective et relève non seulement des attributions des organisations syndicales mais aussi de celles des institutions représentatives du personnel (CE, CHSCT, dp), compétentes en matière de durée du travail, de santé et de sécurité des salariés, etc. Ceci invite à ne pas retenir une approche superficielle du « droit à la déconnexion » consistant à ne traiter que les seuls effets d’une utilisation irraisonnée des outils numériques sans traiter les causes de cette utilisation (liées par exemple à la charge de travail des salariés, etc.) (cf. accord Orange, infra).
Il n’existe pas d’accord-type sur le « droit à la négociation », ni de solutions clés en main. La loi n’a d’ailleurs pas donné de définition du « droit à la déconnexion » et les partenaires sociaux disposent donc d’une importante marge de manœuvre pour préciser le contenu et les modalités de ce droit, en vue de l’adapter à leur entreprise, que ce soit en dehors ou pendant le temps de travail (cf. accord Renault, infra).
Il s’agit de déterminer les enjeux propres à l’entreprise en matière d’utilisation des TIC et, le cas échéant, d’adapter les règles du droit à la déconnexion aux différents salariés (cette nécessité d’adaptation est d’autant plus flagrante pour les entreprises de dimension mondiale et/ou travaillant avec des clients étrangers susceptibles d’entrer en contact 24h sur 24h compte tenu des décalages horaires). Pour ce faire, il convient d’interroger tous les salariés sur leurs pratiques et leurs rapports aux TIC au sein de l’entreprise (par l’intermédiaire de questionnaires, de réunions d’expression, ...). Par ailleurs, plusieurs documents existant peuvent servir d’utiles sources d’informations à ce sujet :
Enfin, il est opportun à notre sens, avant l’ouverture de la phase de négociation, de demander à la direction de vous transmettre un diagnostic complet de l’utilisation des TIC dans l’entreprise.
Cette démarche vous permettra :
L’objectif est de retenir les modalités les plus adaptées aux salariés - étant relevé que la « déconnexion » ne saurait être exclusivement technique (il s’agit surtout de créer les conditions d’une possible « déconnexion psychique » des salariés).
Ces modalités peuvent être diverses (blocage des serveurs, message d’absence, transfert de courriels automatiques, etc.), étant précisé qu’il n’existe pas de solution « miracle » en soi. Par exemple, la solution de blocage des serveurs pendant les week-ends n’est pas nécessairement la panacée (ce blocage n’empêche pas forcément le salarié de rester « connecté » durant ses repos - en emportant du travail sur clé USB ou autre).
Quelles que soient les modalités retenues, le respect du droit à la déconnexion ne doit pas peser sur le salarié seul - comme le prévoient de nombreux accords se bornant à inviter le salarié à ne pas répondre aux sollicitations en dehors du temps de travail, soi-disant en vue de le « responsabiliser ». Le cas échéant, la responsabilité peut être partagée (cf. CCN du commerce de gros, infra). En tout état de cause, il revient in fine à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés.
S’assurer de la mise en place d’actions de formation sur l’utilisation des TIC primordiales pour sensibiliser et déculpabiliser les salariés
Plus largement, se saisir du « droit à la déconnexion » pour lutter contre la charge de travail
La négociation du « droit à la négociation » est l’occasion d’inciter l’employeur à prévoir des évaluations régulières de la charge de travail des salariés en vue d’éviter une utilisation nuisible des TIC.
A cet égard, l’accord peut par exemple prévoir un suivi régulier de cette charge de travail (grâce à des questionnaires, des entretiens périodiques par exemple), des dispositifs d’alerte, etc. Dans le même esprit, il serait utile d’aborder la question du « droit à la déconnexion » lors des négociations sur le télétravail.
Quelques exemples d’accords sur le « droit à la déconnexion »
CCN Banque populaire (accord du 6 juillet 2016) : « Les entreprises entendent partager les règles de bonnes pratiques de la messagerie et des outils à distance. Elles reconnaissent un droit individuel à la déconnexion pour tous, qui se traduit notamment par l’absence d’obligation, pour le receveur, de répondre aux mails en dehors de son temps de travail ; une mention automatique pourra être intégrée dans la signature électronique de la messagerie précisant ce point ».
(accord du 27 septembre 2016) : « Les parties considèrent (...) que le droit légitime et nécessaire à la déconnexion n’est pas suffisant car il cherche à contraindre les seuls effets induits par un usage excessif ou incontrôlé des outils numériques mais il ne s’attaque pas à ses causes. C’est pourquoi, ce droit s’accompagnera d’une réflexion et de mesures portant sur les causes mêmes des usages excessifs des outils numériques : comportement individuel, organisation du travail, absence de formation ou d’évaluation des usages... ».
CCN du Commerce de gros (avenant du 30 juin 2016) : « L’effectivité du respect par le salarié des durées minimales de repos (...) implique pour ce dernier une obligation de déconnexion des outils de communication à distance. L’employeur prendra les dispositions nécessaires afin d’assurer le respect par ses salariés de cette obligation de déconnexion... ».
Renault France (accord du 13 janvier 2017) : « Le droit à la déconnexion peut s’exercer également pendant le temps de travail. Ainsi, pour des questions d’efficacité notamment, il est préférable que l’usage de la messagerie électronique et de la messagerie instantanée soit restreint pendant le déroulement des réunions de service, dans la mesure du possible ».
Olivier CADIC, Directeur du département assistance et conseil
Benoît MASNOU, Avocat
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