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La plume de l'alouette
Février 2018
SPECIAL CSE

LE FONCTIONNEMENT DU CSE
# 1 : Les heures de délégation

Le décret n°2017-1819 du 30 décembre 2017 prévoit le nombre d’heures de délégation ainsi que le nombre d’élus du CSE à défaut d’accord signé. Un tableau récapitulatif est disponible sur notre site internet

Ce décret pose un nombre d’heures et d’élus a minima que l’employeur devra respecter en cas de non signature du PAP (le protocole d’accord préélectoral).

Les choses auraient été claires sans la 6ème ordonnance Macron du 20 décembre 2017 dite « ordonnance balai » qui ajoute non seulement de nouvelles conditions à la conclusion d’un accord mais aussi de la confusion aux textes.

Un accord majoritaire ou un PAP pourrait-il prévoir moins d’élus et/ou moins d’heures de délégation que le décret ?

L’article L. 2314-1 alinéa 1 du Code du travail modifié par l’ordonnance prévoit qu’un accord ou PAP peut modifier (le texte initial disait « augmenter ») le nombre de sièges ou le nombre d’heures de délégation.

Cet article doit être combiné avec le L. 2314-7 qui prévoit que le PAP peut modifier le nombre d’élus ou le nombre d’heures de délégation « dès lors que le volume global de ces heures, au sein de chaque collège, est au moins égal à celui résultant des dispositions légales au regard de l’effectif de l’entreprise ».

Pour rappel, ces dispositions prévoient que les élus d’une entreprise de moins de 50 salariés bénéficient de 10 heures par mois et au-delà de 16 heures par mois.

Que faut-il comprendre par « volume global » d’heures ?

Cet article est loin d’être limpide et pose plusieurs questions et donc interprétations, la notion de « volume global d’heures par collèges » était inconnue jusqu’alors :

Pour exemple, une entreprise compte 220 salariés et met en place un CSE :

  • Il y aura 10 membres à élire disposant chacun de 16 heures de délégation au minimum selon la loi.
Attention
Il s’agit de 16 heures et non des 22 heures prévues par le décret, car nous sommes dans le cas où un accord doit être négocié (soit majoritaire, soit un PAP). Or le décret a vocation à s’appliquer à défaut d’accord uniquement.
  • Selon la répartition de l’effectif, la répartition du nombre de sièges serait la suivante :

Mais les organisations syndicales peuvent s’entendre pour répartir différemment le nombre de sièges dans les collèges :

L’application de cette règle conduit à générer une inégalité de traitement entre les titulaires du collège 1 qui disposeraient alors de plus 26 h et ceux du collège 2 de 16 h !

Le Point de vue d’ATLANTES
Cette interprétation de l’article L. 2314-7 et l’inégalité qu’elle induit nous apparaît contraire au principe d’égalité de traitement et risque d’avoir de gros impacts sur les négociations des PAP.
Il est donc à notre sens fondamental de veiller dans la négociation à une stricte égalité du nombre d’heures de délégation quel que soit le collège d’appartenance.

Vous noterez enfin, que cette interprétation est la nôtre, mais qu’il n’en existe aucune autre à notre connaissance, personne n’ayant a priori soulevé cette épineuse question !

Le décret encadre-t-il les heures pour le CSE central ?

Le CSE Central vient remplacer le Comité Central d’Entreprise (CCE) dès la mise en place du CSE dans l’entreprise.

Le décret ne prévoit pas un volume d’heure minimal, il conviendra donc de les négocier dans l’accord de mise en place du CSE Central.

Concernant le nombre d’élus, le décret prévoit 25 titulaires contre 20 actuellement au CCE, sauf accord unanime contraire signé avec l’ensemble des organisations syndicales. Pour autant, aujourd’hui la composition de ce CSE Central est libre, chaque établissement n’y est plus obligatoirement représenté par au moins un délégué.

Le Conseil d’Entreprise permet-il d’obtenir plus d’heures de délégation et plus d’élus ?

Oui, car l’article R. 2321-1 prévoit que, pour la négociation, les élus doivent disposer d’au moins :

  • 12 H par mois dans les entreprises jusqu’à 149 salariés
  • 18 H par mois dans entreprises de 150 à 499 salariés
  • 24 H par mois dans les entreprises d’au moins 500 salariés.

Il n’existe pas de dérogation possible dans un sens moins favorable.

Ces heures spécifiques viennent s’ajouter aux heures de délégation dont ils bénéficient au titre de leur mandat « CSE ».

Les représentants de proximité ont-ils des heures de délégation propre à leur fonction ?

Aucun minimum n’est prévu dans le décret.

S’ils sont déjà élus au CSE, le décret prévoit que l’accord de mise en place ne doit pas obligatoirement leur donner du crédit d’heures supplémentaires. Naturellement, il conviendra de tenter d’en négocier davantage.

Cependant, l’ordonnance prévoit la possibilité d’être désigné représentants de proximité sans être élu. Ceux-ci devraient donc avoir des heures spécifiques fixées dans l’accord définissant leur nombre et leurs attributions.

Peut-on annualiser ou mutualiser les heures de délégation ?

L’annualisation est l’utilisation pour un même élu de ses heures de délégation calculées sur une année et plus mensuellement.

La mutualisation est la répartition entre élus des heures de délégation.

Ces deux dispositifs sont une reprise de la loi n°2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, dite loi Rebsamen qui instituait alors la délégation unique du personnel élargie avec les mêmes limites notamment pour l’annualisation : celle de ne pas pouvoir disposer de ce crédit (au cours du même mois) plus d’une fois et demi. La même limite est posée pour la mutualisation.

A noter
Ces dispositifs semblent assez limités. Il faut encore attendre pour en voir l’applicabilité pratique, sachant qu’il faut informer son employeur 8 jours avant la date prévue de prise d’heures. Ils ne peuvent donc pas être utilisés en cas de circonstances exceptionnelles (articles R. 2315-5 et R. 2315-6 du Code du travail).

Une règle est-elle enfin fixée pour les élus soumis au forfait annuel en jours ?

Le décret reprend la règle issue de la Loi travail de 2016 avec le principe de décompte en demi-journées, et vient préciser le cas dans lequel le crédit d’heures restant serait inférieur à 4 heures.

La règle est donc désormais la suivante :

Le crédit d’heures est regroupé en demi-journées qui viennent en déduction du nombre annuels de jours travaillés fixé dans la convention individuelle du salarié.

Une demi-journée correspond à 4 heures de mandat.

Lorsque le crédit d’heures restant est inférieur à 4 heures, le représentant du personnel disposera d’une demi-journée en plus qui vient en déduction du nombre annuel de jours travaillés (articles R. 2315-3 et R. 2315-4 du Code du travail).

Un accord collectif peut prévoir des règles de décompte différentes.

Peut-on toujours bénéficier d’un crédit d’heures exceptionnelles en cas de circonstances particulières ?

Le principe du dépassement du crédit d’heures en cas de circonstances exceptionnelles est maintenu.

Au final, cette réforme a-t-elle pour objectif de réduire les coûts pour les employeurs ?

Ceci est à notre sens un faux débat : on peut effectivement constater que dans les moyennes et grosses entreprises les économies dégagées ne seraient pas substantielles (à iso instance).

Ce qui signifie que dans les petites entreprises des économies sont bel et bien réalisées.

Mais, le débat n’est-il pas plutôt la question de la désorganisation des instances ?
Comment les élus pourront-ils assurer efficacement d’avantages de missions avec un crédit drastiquement réduit ?
Prenons un exemple, dans une entreprise de 670 salariés,.
Auparavant les membres qui cumulaient les mandats CE, DP, CHSCT disposaient d’un crédit d’heures total de 50 heures (20 h CE, 15 h DP et 15 h CHSCT)
Désormais un membre de CSE, qui doit cumuler de fait les 3 mandats, ne dispose plus que de 24 h de délégation par mois.
Soit, deux fois moins de temps pour réaliser les mêmes missions.
Cela constitue un réel argument afin de négocier un crédit d’heures plus important permettant de mener à bien les missions dévolues au CSE.

Emilie BOHL, Juriste - Elisabeth REPESSÉ, Avocat

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Mise à jour :mercredi 17 avril 2024
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