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La plume de l'alouette
Janvier 2022

ANALYSE ATLANTES
LOI SANTÉ : QUELS CHANGEMENTS POUR 2022 ?

Promulguée le 2 août 2021, la loi « pour renforcer la prévention en santé au travail », présentée transpose l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 10 décembre 2020, en vue de réformer la santé au travail.

Cette loi s’articule autour de quatre grands axes :

• Renforcer la prévention au sein des entreprises et décloisonner santé publique et santé au travail

• Définir un socle de services de prévention et de santé au travail

• Mieux accompagner certains publics vulnérables et lutter contre la désinsertion professionnelle

• Réorganiser la gouvernance du système de santé au travail

Une nouvelle loi (la cinquième en vingt ans !), mais quels objectifs et apports ? L’occasion pour le cabinet Atlantes de faire le point avec vous.

DUERP et CSE

La loi énonce faire de la prévention le centre névralgique de la santé au travail, qui se marque notamment par le changement de dénomination des services de santé au travail, nouvellement baptisés « services de prévention et de santé au travail » (SPST). N’oublions pas que la prévention ne date pas d’hier. La directive européenne n°89/391 du 12 juin 1989, texte fondateur, est venue définir les moyens d’action à mettre en œuvre afin de prévenir les risques.

Renforcement en demi-teinte du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP)

La loi vient créer un nouvel article qui définit légalement le contenu du DUERP et ses modalités de mises à jour, de conservation et de mise à disposition.

Mais le DUERP n’en reste pas moins un document créé par le décret n°2001-1016 du 5 novembre 2001 et, jusqu’à présent, celui-ci comprenait un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l’entreprise (C. trav., art. R.4121-1), découlant des résultats de l’évaluation des risques à laquelle devait procéder l’employeur. La seule « nouveauté » quant à son contenu est l’ajout de deux dispositions : l’identification des ressources de l’entreprise pouvant être mobilisées et la définition d’un calendrier de mise en œuvre.

Consultation du CSE et mise à disposition du DUERP

La loi Santé au travail prévoit que le CSE devra dorénavant être consulté sur la mise en place du DUERP et ses mises à jour, alors que jusqu’à présent une simple information s’imposait. Le DUERP et ses mises à jour, qui doivent être tenus à la disposition des travailleurs et des représentants du personnel, devront désormais être tenus à la disposition des anciens travailleurs ainsi que de toute personne ou instance pouvant justifier d’un intérêt à y avoir accès.

Ces dispositions entreront en application le 31 mars 2022

 

Le DUERP et ses mises à jour feront l’objet d’un dépôt dématérialisé sur un portail numérique déployé et administré par un organisme géré par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel.

Cette obligation de dépôt dématérialisé sera applicable à compter du 1er juillet 2023 pour les entreprises d’au moins 150 salariés et à compter du 1er juillet 2024 pour les autres.

 

À noter : L’absence d’élaboration ou de mise à jour du DUERP doit être regardée comme un manquement de l’employeur à son obligation générale de sécurité, susceptible d’engager sa responsabilité (1).

Le renforcement de la formation en santé et sécurité des membres du CSE

La loi renforce le rôle du comité social et économique dans le domaine de la santé au travail et vient fixer une durée minimale de formation pour les membres du CSE :

• cinq jours de formation pour les membres du CSE lors de leur premier mandat, peu importe l’effectif de l’entreprise,

• en cas de renouvellement du mandat, 3 jours pour les membres CSE (s’ils ne siègent pas en CSSCT dans une entreprise de 300 sal. et plus) et de 5 jours l’élu siège en CSSCT dans une entreprise de 300 sal. et plus. 

Ces dispositions entreront en application le 31 mars 2022

 

Info Atlantes Jusqu’à présent, la durée minimale de la formation en santé et sécurité était de trois jours dans les entreprises à l’effectif de moins de 300 salariés et de cinq jours dans les entreprises d’au moins 300 salariés.

 

Des questions restent néanmoins en suspens : cette faculté court-elle pour les mandats en cours, ou à compter du renouvellement de l’instance à partir de mars 2022 ? Rien ne semble pour l’instant s’opposer à ce que les élus ayant déjà bénéficié de trois jours de formation puissent demander le bénéfice des deux jours de formation restant.

Une nouvelle définition du harcèlement sexuel

La loi harmonise la définition du harcèlement sexuel du Code du travail et du Code pénal. Désormais, les propos ou comportements à connotation sexiste peuvent également caractériser des faits de harcèlement sexuel. De fait, le règlement intérieur de l’entreprise devra être modifié.

La création du passeport de prévention

Tous les certificats, attestations, et diplômes obtenus par le travailleur dans le cadre de la formation relative à la santé et à la sécurité devront figurer dans le passeport de prévention.

Mise en place du passeport de prévention au plus tard le 1er octobre 2022

L’accompagnement des personnes vulnérables et la lutte contre la désinsertion professionnelle

C’est l’autre préoccupation majeure de cette loi : renforcer la mission de maintien en emploi par le SPST, notamment pour les salariés dont l’aptitude professionnelle à rester en activité ou à la reprendre est restreinte en raison de problèmes de santé ou de handicap.

Mise en place d’une cellule pluridisciplinaire

À cet effet, une cellule pluridisciplinaire de prévention de la désinsertion professionnelle sera mise en place au sein de chaque SPST. Elle aura pour mission de proposer des actions de sensibilisation et d’identifier les situations individuelles pour lesquelles des mesures d’aménagement d’adaptation ou de transformation du poste de travail devront être trouvées.

La visite médicale de mi-carrière

La loi crée la visite médicale de mi-carrière, qui a pour objectif de permettre une évaluation du risque de désinsertion professionnelle et une sensibilisation du travailleur aux problématiques relatives au vieillissement au travail et à la prévention des risques professionnels.

Le rendez-vous de liaison

Un rendez-vous de liaison sera organisé entre le salarié et l’employeur, associant le SPST, dont l’objet est d’informer le salarié qu’il peut bénéficier d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle, d’un examen de pré-reprise et de mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail. Ce rendez-vous est organisé à l’initiative de l’employeur ou du salarié, ce dernier pouvant refuser de s’y rendre.

Extension des missions des services de santé ?

Nouveau socle de services

La loi dit offrir de nouveaux services au SPST, qui seront définis par le Comité national de prévention et de santé au travail ou à défaut par décret en Conseil d’État. Dans l’attente, il est impossible de se positionner sur la réalité et l’avancée de ces nouvelles missions.

Renforcement du lien avec la médecine de ville

La loi relève au niveau législatif le principe selon lequel le médecin du travail doit consacrer le tiers de son temps à ses missions en milieu de travail. Il est intéressant de noter que ce principe avait été instauré par le décret n°79-231 du 20 mars 1979 relatif à l’organisation et au fonctionnement des services médicaux.

Le médecin du travail peut accéder au dossier médical partagé du salarié depuis le 1er juillet 2021. La loi tente ici de décloisonner la santé publique et la santé au travail, en permettant un partage d’informations entre la médecine du travail et la médecine de ville.

Consécration de l’infirmier en santé au travail pour pallier le déclin de la médecine du travail

Le statut d’infirmier en santé au travail est enfin consacré par la loi. Le médecin du travail pourra déléguer certaines missions aux infirmiers membres de l’équipe pluridisciplinaire, dans des conditions qui seront déterminées par le Conseil d’État. Le corollaire de cette faculté reste néanmoins une amputation du rôle du médecin du travail et ne fait que confirmer la « chronique d’une mort annoncée » de la médecine du travail à laquelle nous faisons face depuis plusieurs années. En 2006, on comptait 6 500 médecins du travail (2), en 2018, ils n’étaient plus que 3 883 (3).

Les raisons de cette diminution sont multiples : pénurie des ressources médicales, perte d’attractivité de la profession, ou encore l’incapacité en pratique d’assumer les obligations déontologiques et règlementaires dans de bonnes conditions. La loi ne fait ici que renforcer ce déclin en élargissant le champ de l’exercice de l’infirmier…

 

Samuel BENCHEIKH / Juriste - Atlantes Paris/Île de France

 

(1) Cass. Soc. 18 novembre 2010, n°09-17.275

(2) IGAS : Rapport sur le bilan de réforme de la médecine du travail - Octobre 2007

(3) Sénat : Rapport d’information au nom de la commission des Affaires sur la santé au travail - Octobre 2019

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