Le projet de « loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets », dite loi Climat, est actuellement en discussion au Sénat après avoir été amendée et adoptée par l’Assemblée nationale.
Le gouvernement ayant affiché ses ambitions d’accélérer le verdissement de l’économie et d’adapter la gouvernance de l’emploi à la transition écologique, le projet prévoit des dispositions concernant les entreprises et en particulier la représentation du personnel. Cela fait suite à la loi PACTE (Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019) qui impose à toute société d’intégrer dans sa gestion les enjeux sociaux et environnementaux de son activité (nouvel article 1833 du Code civil).
Mise en place en octobre 2019, la Convention citoyenne pour le climat avait pour mission d’adresser au gouvernement et au Président de la République « l’ensemble des mesures législatives et réglementaires qu’elle aura jugées nécessaires pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. » Le projet dit de loi Climat a vocation à retranscrire dans la loi les mesures préconisées par celle-ci.
Propositions de la Convention citoyenne sur le CSE
1. Renforcement du rôle des CSE dans la transition bas- carbone des produits et des processus des entreprises :
• Intégrer obligatoirement dans la procédure d’information et de consultation des orientations stratégiques et des politiques sociales de l’entreprise, l’évolution des emplois, des compétences et des formations appropriées liées à la transition bas-carbone (ou réduisant les émissions de gaz à effet de serre) des produits et des processus.
• Créer et généraliser le même type d’instance dans la fonction publique (territoriale, hospitalière et étatique).
2. Renforcement du rôle des CSE dans l’information et la consultation sur le reporting RSE des entreprises :
• Les publications d’entreprise concernant leur politique au regard du climat et les émissions de gaz à effet de serre liées à leurs activités sont généralement intégrées à leur reporting de responsabilité sociétale d’entreprise (RSE). Une obligation serait que le CSE de l’entreprise soit informé et consulté chaque année par la direction de l’entreprise sur le rapport devant être publié par l’entreprise selon les règles définies par le décret no 2017-1265 du 9 août 2017 (relatif à la publication d’informations non financières par certaines grandes entreprises et certains groupes d’entreprises) ;
• […] et que le CSE ait droit à une expertise de ce rapport financée par l’entreprise dans le cadre de cette procédure d’information-consultation.
La principale nouveauté du projet est l’ajout de la dimension environnementale aux attributions générales des CSE. Ainsi, l’article L. 2312-8 du Code du travail serait modifié comme suit :« Le comité social et économique a pour mission d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise ainsi qu’à la prise en compte de leurs conséquences environnementales, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production. »
Concrètement, lors de consultations ponctuelles sur les projets d’entreprise, le CSE devra être informé par la direction sur les conséquences environnementales des projets envisagés. De même, dans une approche transversale à l’occasion des trois consultations récurrentes sur la situation financière de l’entreprise, sa politique sociale et ses orientations stratégiques, le CSE devra être informé sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise.
Si le projet de loi, dans sa version initiale, avait le mérite d’institutionnaliser de nouvelles prérogatives environnementales au profit des membres du CSE, il ne créait toutefois pas de moyens spécifiques pour leur permettre de mener à bien leur nouvelle mission. Des amendements parlementaires ont permis de combler ces manques de manière marginale.
Une commission mixte paritaire devrait être réunie pour définir le projet définitif.
Pour garantir l’information des représentants, la BDES deviendrait BDESE, soit la base de données économiques, sociales et environnementales, suite à l’adoption d’un amendement. Une nouvelle rubrique, la dixième, est intégrée dans la base mise à disposition des membres du CSE, sur les « conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise ». Après l’adoption définitive de la loi, un décret devrait lister les indicateurs susceptibles de figurer dans cette rubrique.
Comme auparavant, le contenu de la BDESE pourrait faire l’objet d’une adaptation dans le cadre d’un accord collectif d’entreprise ou de groupe, permettant de mieux prendre en compte les spécificités de ou des activité(s) de l’entreprise par rapport aux enjeux environnementaux.
Pour aider les représentants des salariés à se saisir de ces nouveaux sujets, le projet de loi prévoit que la formation économique des titulaires du CSE et la formation syndicale pourront porter sur les conséquences environnementales de l’activité des entreprises. Ainsi, le « congé de formation économique, sociale et syndicale » devient le « congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale ». On peut déplorer qu’il s’agisse seulement d’élargir des programmes des dispositifs de formations déjà existantes et non de créer des nouveaux droits à formation dédiée aux enjeux environnementaux, comme le prévoyaient des amendements rejetés.
Dans le même ordre d’idée, et sans faire bénéficier le CSE d’une mission spécifique (un amendement ayant là aussi été rejeté), les missions classiques de l’expert-comptable seraient élargies. Ce dernier pourrait analyser les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise lors des trois consultations récurrentes. Les analyses de l’expert réalisées à l’occasion de ces consultations portent ainsi sur les éléments d’ordre environnemental nécessaires à la compréhension des orientations stratégiques de l’entreprise, de sa situation économique et de la politique sociale.
Les amendements en faveur de l’attribution d’heures de délégation supplémentaires permettant aux représentants d’assurer ces nouvelles prérogatives ont tous été rejetés ; de même qu’un amendement prévoyant la création d’une commission dédiée aux questions environnementales ou un droit d’intervention de la CSSCT sur ces sujets.
À la différence des CSE, le projet de loi Climat ne modifie pas les prérogatives des syndicats, ceux-ci restent tout de même libre de choisir d’inscrire la défense de l’environnement dans leurs statuts.
Le projet de loi ne fait pas de l’environnement un thème particulier des négociations annuelles obligatoires. En revanche, ce thème est intégré à la négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) au niveau de la branche et pour les entreprises disposant d’au moins 300 salariés. Ainsi, il est prévu que les dispositifs de GPEC ont également pour objet de répondre aux enjeux de la transition écologique.
Outre le fait la notion de transition écologique est relativement floue et n’a aucune consistance juridique, rappelons également que, dans très peu d’entreprises, la gestion des emplois est un véritable sujet de négociations partagé entre la direction et les représentants des salariés. L’environnement restera donc toujours un angle mort des négociations pour la plupart d’entre elles.
Le projet de loi Climat a le mérite d’inscrire les enjeux environnementaux dans l’agenda social des entreprises. Cependant, on ne peut que regretter la timidité des modifications envisagées du Code du travail, au regard de l’importance des enjeux en cause, et d’autant qu’elles sont contestées par le Sénat.
Pour s’assurer que l’urgence écologique et sociale guide les choix de gestion des entreprises, au moins autant que la profitabilité économique à court terme, cela passera nécessairement par la (re)conquête de nouveaux pouvoirs des salariés et de leurs représentants dans les entreprises.
Nous ne manquerons pas de vous tenir informer du contenu définitif de cette loi.
Julien PELTAIS / Juriste - Atlantes Région Ouest
Les impacts sanitaires liés à la pollution de l’air induisent des coûts pour la société : consultations médicales, achats de médicaments, réduction de l’activité quotidienne (y compris arrêt de travail), hospitalisations, décès prématurés…
… / …
La synthèse de ces travaux amène à chiffrer le coût de la pollution de l’air entre 20 et 30 Md€ (cf. graphique 1) selon l’indicateur retenu. »
Extraits, COMMISSARIAT GÉNÉRAL AU DÉVELOPPEMENT DURABLE Service de l’économie, de l’évaluation et de l’intégration du développement durable www.developpement-durable.gouv.fr n° 175 Octobre 2013
« Avec 48 000 morts par an en France, la pollution de l’air tue plus que l’alcool ». Article paru dans le journal Le monde en date du 27 février 2019
C’est sans compter sur la pollution de l’alimentation et des produits de consommation courante (emballages, mobilier intérieur, téléphone portables, ordinateurs, batteries des véhicules électriques ...).
Olivier CADIC / Juriste IDF
Le projet de « loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets », dite loi Climat, est actuellement en discussion au Sénat après avoir été amendée et adoptée par l’Assemblée nationale.
Le gouvernement ayant affiché ses ambitions d’accélérer le verdissement de l’économie et d’adapter la gouvernance de l’emploi à la transition écologique, le projet prévoit des dispositions concernant les entreprises et en particulier la représentation du personnel. Cela fait suite à la loi PACTE (Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019) qui impose à toute société d’intégrer dans sa gestion les enjeux sociaux et environnementaux de son activité (nouvel article 1833 du Code civil).
Mise en place en octobre 2019, la Convention citoyenne pour le climat avait pour mission d’adresser au gouvernement et au Président de la République « l’ensemble des mesures législatives et réglementaires qu’elle aura jugées nécessaires pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. » Le projet dit de loi Climat a vocation à retranscrire dans la loi les mesures préconisées par celle-ci.
Propositions de la Convention citoyenne sur le CSE
1. Renforcement du rôle des CSE dans la transition bas- carbone des produits et des processus des entreprises :
• Intégrer obligatoirement dans la procédure d’information et de consultation des orientations stratégiques et des politiques sociales de l’entreprise, l’évolution des emplois, des compétences et des formations appropriées liées à la transition bas-carbone (ou réduisant les émissions de gaz à effet de serre) des produits et des processus.
• Créer et généraliser le même type d’instance dans la fonction publique (territoriale, hospitalière et étatique).
2. Renforcement du rôle des CSE dans l’information et la consultation sur le reporting RSE des entreprises :
• Les publications d’entreprise concernant leur politique au regard du climat et les émissions de gaz à effet de serre liées à leurs activités sont généralement intégrées à leur reporting de responsabilité sociétale d’entreprise (RSE). Une obligation serait que le CSE de l’entreprise soit informé et consulté chaque année par la direction de l’entreprise sur le rapport devant être publié par l’entreprise selon les règles définies par le décret no 2017-1265 du 9 août 2017 (relatif à la publication d’informations non financières par certaines grandes entreprises et certains groupes d’entreprises) ;
• […] et que le CSE ait droit à une expertise de ce rapport financée par l’entreprise dans le cadre de cette procédure d’information-consultation.
La principale nouveauté du projet est l’ajout de la dimension environnementale aux attributions générales des CSE. Ainsi, l’article L. 2312-8 du Code du travail serait modifié comme suit :« Le comité social et économique a pour mission d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise ainsi qu’à la prise en compte de leurs conséquences environnementales, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production. »
Concrètement, lors de consultations ponctuelles sur les projets d’entreprise, le CSE devra être informé par la direction sur les conséquences environnementales des projets envisagés. De même, dans une approche transversale à l’occasion des trois consultations récurrentes sur la situation financière de l’entreprise, sa politique sociale et ses orientations stratégiques, le CSE devra être informé sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise.
Si le projet de loi, dans sa version initiale, avait le mérite d’institutionnaliser de nouvelles prérogatives environnementales au profit des membres du CSE, il ne créait toutefois pas de moyens spécifiques pour leur permettre de mener à bien leur nouvelle mission. Des amendements parlementaires ont permis de combler ces manques de manière marginale.
Une commission mixte paritaire devrait être réunie pour définir le projet définitif.
Pour garantir l’information des représentants, la BDES deviendrait BDESE, soit la base de données économiques, sociales et environnementales, suite à l’adoption d’un amendement. Une nouvelle rubrique, la dixième, est intégrée dans la base mise à disposition des membres du CSE, sur les « conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise ». Après l’adoption définitive de la loi, un décret devrait lister les indicateurs susceptibles de figurer dans cette rubrique.
Comme auparavant, le contenu de la BDESE pourrait faire l’objet d’une adaptation dans le cadre d’un accord collectif d’entreprise ou de groupe, permettant de mieux prendre en compte les spécificités de ou des activité(s) de l’entreprise par rapport aux enjeux environnementaux.
Pour aider les représentants des salariés à se saisir de ces nouveaux sujets, le projet de loi prévoit que la formation économique des titulaires du CSE et la formation syndicale pourront porter sur les conséquences environnementales de l’activité des entreprises. Ainsi, le « congé de formation économique, sociale et syndicale » devient le « congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale ». On peut déplorer qu’il s’agisse seulement d’élargir des programmes des dispositifs de formations déjà existantes et non de créer des nouveaux droits à formation dédiée aux enjeux environnementaux, comme le prévoyaient des amendements rejetés.
Dans le même ordre d’idée, et sans faire bénéficier le CSE d’une mission spécifique (un amendement ayant là aussi été rejeté), les missions classiques de l’expert-comptable seraient élargies. Ce dernier pourrait analyser les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise lors des trois consultations récurrentes. Les analyses de l’expert réalisées à l’occasion de ces consultations portent ainsi sur les éléments d’ordre environnemental nécessaires à la compréhension des orientations stratégiques de l’entreprise, de sa situation économique et de la politique sociale.
Les amendements en faveur de l’attribution d’heures de délégation supplémentaires permettant aux représentants d’assurer ces nouvelles prérogatives ont tous été rejetés ; de même qu’un amendement prévoyant la création d’une commission dédiée aux questions environnementales ou un droit d’intervention de la CSSCT sur ces sujets.
À la différence des CSE, le projet de loi Climat ne modifie pas les prérogatives des syndicats, ceux-ci restent tout de même libre de choisir d’inscrire la défense de l’environnement dans leurs statuts.
Le projet de loi ne fait pas de l’environnement un thème particulier des négociations annuelles obligatoires. En revanche, ce thème est intégré à la négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) au niveau de la branche et pour les entreprises disposant d’au moins 300 salariés. Ainsi, il est prévu que les dispositifs de GPEC ont également pour objet de répondre aux enjeux de la transition écologique.
Outre le fait la notion de transition écologique est relativement floue et n’a aucune consistance juridique, rappelons également que, dans très peu d’entreprises, la gestion des emplois est un véritable sujet de négociations partagé entre la direction et les représentants des salariés. L’environnement restera donc toujours un angle mort des négociations pour la plupart d’entre elles.
Le projet de loi Climat a le mérite d’inscrire les enjeux environnementaux dans l’agenda social des entreprises. Cependant, on ne peut que regretter la timidité des modifications envisagées du Code du travail, au regard de l’importance des enjeux en cause, et d’autant qu’elles sont contestées par le Sénat.
Pour s’assurer que l’urgence écologique et sociale guide les choix de gestion des entreprises, au moins autant que la profitabilité économique à court terme, cela passera nécessairement par la (re)conquête de nouveaux pouvoirs des salariés et de leurs représentants dans les entreprises.
Nous ne manquerons pas de vous tenir informer du contenu définitif de cette loi.
Julien PELTAIS / Juriste - Atlantes Région Ouest
Les impacts sanitaires liés à la pollution de l’air induisent des coûts pour la société : consultations médicales, achats de médicaments, réduction de l’activité quotidienne (y compris arrêt de travail), hospitalisations, décès prématurés…
… / …
La synthèse de ces travaux amène à chiffrer le coût de la pollution de l’air entre 20 et 30 Md€ (cf. graphique 1) selon l’indicateur retenu. »
Extraits, COMMISSARIAT GÉNÉRAL AU DÉVELOPPEMENT DURABLE Service de l’économie, de l’évaluation et de l’intégration du développement durable www.developpement-durable.gouv.fr n° 175 Octobre 2013
« Avec 48 000 morts par an en France, la pollution de l’air tue plus que l’alcool ». Article paru dans le journal Le monde en date du 27 février 2019
C’est sans compter sur la pollution de l’alimentation et des produits de consommation courante (emballages, mobilier intérieur, téléphone portables, ordinateurs, batteries des véhicules électriques ...).
Olivier CADIC / Juriste IDF
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