Dans une économie mondialisée, les salariés sont susceptibles de recevoir fréquemment des documents de l’étranger, surtout lorsque l’employeur, en France, est l’une des structures d’un groupe international.
La remise physique d’un document n’est d’ailleurs aujourd’hui plus une nécessité pratique puisque la mise à disposition peut se faire dans le cloud, via un lien internet. Il peut s’agir d’une charte éthique, des règles en matière de mobilité et de frais professionnels, ou encore de la détermination d’objectifs et de la rémunération variable.
Or, si la loi impose l’usage du français, elle ouvre également la porte à l’usage d’autres langues, sans qu’il s’agisse de la langue maternelle du salarié. Cette ouverture a été conçue à une époque où l’économie pouvait encore connaître des frontières. Aujourd’hui le risque de dérives est bien présent.
Des rappels s’imposent.
L’obligation d’utiliser le français dans les relations professionnelles constitue une protection pour le salarié qui a le droit d’avoir des documents (contractuels, conventionnels, unilatéraux) rédigés dans une langue qu’il maîtrise. La loi dite « Toubon » du 4 août 1994 énonce que le français est la langue du travail. De plus, pour toute une série de documents écrits, le Code du travail impose que la rédaction soit en français :
NB : le salarié étranger a le droit d’obtenir, à sa demande, une traduction du contrat de travail écrite dans sa langue maternelle. En cas de discordance entre les deux textes, seul le texte rédigé dans la langue du salarié étranger peut être invoquée contre ce dernier.
A ces règles, le Code du travail apporte certaines nuances. Il énonce en effet que l’usage du français n’est pas obligatoire s’agissant des « documents reçus de l’étranger ou à destination des étrangers » (art. L1321-6 du Code du travail).
La pratique de l’anglais dans les entreprises internationales est déjà une réalité, quelles en sont les limites ?
Point de vue Atlantes
Cette décision est intervenue dans un litige particulier au secteur du transport aérien et n’est pas applicable à toutes les entreprises.
Si le Code du travail vise des « documents reçus de l’étranger » la question peut se poser de son application aux logiciels. A noter en premier lieu que pour le TGI de Nanterre (TGI Nanterre, 27 avr. 2007, no 07-01901), il s’agit là de documents immatériels. Elle précisait par ailleurs dans une affaire concernant des logiciels élaborés par une société du groupe dont le siège social était situé en France que cette exception à la règle ne trouvait pas à s’appliquer.
Pour le TGI de Cusset (19 déc. 2011, n°10/01538), l’employeur doit fournir une traduction des écrans des applications de ce logiciel (ici s’agissant d’un guide d’utilisation dans la limite de ce qui est nécessaire à l’exécution de ses taches par le salarié). Les traductions étaient ici, souligne le tribunal, accompagnées de formations.
Dans un arrêt de la Cour d’appel de Grenoble du 5 décembre 2012 (RG 12/03652), la Cour précise que la fourniture d’un outil de traduction des logiciels ne correspond pas aux exigences légales et impose donc à une entreprise la traduction en français des logiciels et de la documentation afférente.
A ce jour, le contentieux le plus développé concerne la communication au salarié de ses objectifs professionnels dans une autre langue que le français.
Il ressort des décisions de la Cour de cassation que les documents unilatéraux qui fixent des objectifs doivent être communiqués en français au salarié car il s’agit de dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail. En conséquence, un document rédigé dans une autre langue que le français n’est pas opposable au salarié ; peu importe à cet égard que le salarié ait par le passé accepté des objectifs fixés en anglais et qu’il ait travaillé dans cette langue (Cass. Soc. 2 avril 2014, n° 12-30.191).
NB : Cette règle ne peut pas être invoquée par une citoyenne américaine s’agissant d’un document rédigé en anglais. L’inopposabilité est aussi écartée lorsqu’une traduction en français a été mise à la disposition du salarié, par exemple sur l’intranet de l’employeur (Cass. Soc. 21 septembre 2017, n°16-20.426).
Les élus peuvent soit directement, soit par l’intermédiaire d’un salarié, constater la violation des règles légales et jurisprudentielles précitées. Cette situation peut faire l’objet d’une réclamation auprès de l’employeur.
Les élus peuvent alerter l’inspection du travail qui peut à tout moment exiger le retrait ou la modification des dispositions d’un règlement intérieur, de notes de service ou de tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières qui relèvent du règlement intérieur, et qui ne seraient pas rédigées en français (par exemple, une charte éthique reçue directement du siège social situé à l’étranger).
Un sondage effectué en 2011 par la CFE-CGC révélait que pour 45 % des sondés, l’utilisation d’une autre langue en milieu professionnel génère du stress. C’est un sujet à placer selon nous au cœur des enjeux de dialogue social. Les représentants du personnel peuvent :
Le Code du travail précise que les documents communiqués aux représentants des salariés au comité d’entreprise européen, au comité de la société européenne et comité de la société coopérative européenne, comportent au moins une version française.
Selon nous, le CSE doit refuser la remise d’informations dans une langue autre que le français. La mission du CSE est en effet d’assurer une expression collective des salariés, permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts, les échanges et les documents remis aux élus doivent être en français.
Frédéric PAPOT, Juriste - Atlantes Paris/Ile-de-France
Dans une économie mondialisée, les salariés sont susceptibles de recevoir fréquemment des documents de l’étranger, surtout lorsque l’employeur, en France, est l’une des structures d’un groupe international.
La remise physique d’un document n’est d’ailleurs aujourd’hui plus une nécessité pratique puisque la mise à disposition peut se faire dans le cloud, via un lien internet. Il peut s’agir d’une charte éthique, des règles en matière de mobilité et de frais professionnels, ou encore de la détermination d’objectifs et de la rémunération variable.
Or, si la loi impose l’usage du français, elle ouvre également la porte à l’usage d’autres langues, sans qu’il s’agisse de la langue maternelle du salarié. Cette ouverture a été conçue à une époque où l’économie pouvait encore connaître des frontières. Aujourd’hui le risque de dérives est bien présent.
Des rappels s’imposent.
L’obligation d’utiliser le français dans les relations professionnelles constitue une protection pour le salarié qui a le droit d’avoir des documents (contractuels, conventionnels, unilatéraux) rédigés dans une langue qu’il maîtrise. La loi dite « Toubon » du 4 août 1994 énonce que le français est la langue du travail. De plus, pour toute une série de documents écrits, le Code du travail impose que la rédaction soit en français :
NB : le salarié étranger a le droit d’obtenir, à sa demande, une traduction du contrat de travail écrite dans sa langue maternelle. En cas de discordance entre les deux textes, seul le texte rédigé dans la langue du salarié étranger peut être invoquée contre ce dernier.
A ces règles, le Code du travail apporte certaines nuances. Il énonce en effet que l’usage du français n’est pas obligatoire s’agissant des « documents reçus de l’étranger ou à destination des étrangers » (art. L1321-6 du Code du travail).
La pratique de l’anglais dans les entreprises internationales est déjà une réalité, quelles en sont les limites ?
Point de vue Atlantes
Cette décision est intervenue dans un litige particulier au secteur du transport aérien et n’est pas applicable à toutes les entreprises.
Si le Code du travail vise des « documents reçus de l’étranger » la question peut se poser de son application aux logiciels. A noter en premier lieu que pour le TGI de Nanterre (TGI Nanterre, 27 avr. 2007, no 07-01901), il s’agit là de documents immatériels. Elle précisait par ailleurs dans une affaire concernant des logiciels élaborés par une société du groupe dont le siège social était situé en France que cette exception à la règle ne trouvait pas à s’appliquer.
Pour le TGI de Cusset (19 déc. 2011, n°10/01538), l’employeur doit fournir une traduction des écrans des applications de ce logiciel (ici s’agissant d’un guide d’utilisation dans la limite de ce qui est nécessaire à l’exécution de ses taches par le salarié). Les traductions étaient ici, souligne le tribunal, accompagnées de formations.
Dans un arrêt de la Cour d’appel de Grenoble du 5 décembre 2012 (RG 12/03652), la Cour précise que la fourniture d’un outil de traduction des logiciels ne correspond pas aux exigences légales et impose donc à une entreprise la traduction en français des logiciels et de la documentation afférente.
A ce jour, le contentieux le plus développé concerne la communication au salarié de ses objectifs professionnels dans une autre langue que le français.
Il ressort des décisions de la Cour de cassation que les documents unilatéraux qui fixent des objectifs doivent être communiqués en français au salarié car il s’agit de dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail. En conséquence, un document rédigé dans une autre langue que le français n’est pas opposable au salarié ; peu importe à cet égard que le salarié ait par le passé accepté des objectifs fixés en anglais et qu’il ait travaillé dans cette langue (Cass. Soc. 2 avril 2014, n° 12-30.191).
NB : Cette règle ne peut pas être invoquée par une citoyenne américaine s’agissant d’un document rédigé en anglais. L’inopposabilité est aussi écartée lorsqu’une traduction en français a été mise à la disposition du salarié, par exemple sur l’intranet de l’employeur (Cass. Soc. 21 septembre 2017, n°16-20.426).
Les élus peuvent soit directement, soit par l’intermédiaire d’un salarié, constater la violation des règles légales et jurisprudentielles précitées. Cette situation peut faire l’objet d’une réclamation auprès de l’employeur.
Les élus peuvent alerter l’inspection du travail qui peut à tout moment exiger le retrait ou la modification des dispositions d’un règlement intérieur, de notes de service ou de tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières qui relèvent du règlement intérieur, et qui ne seraient pas rédigées en français (par exemple, une charte éthique reçue directement du siège social situé à l’étranger).
Un sondage effectué en 2011 par la CFE-CGC révélait que pour 45 % des sondés, l’utilisation d’une autre langue en milieu professionnel génère du stress. C’est un sujet à placer selon nous au cœur des enjeux de dialogue social. Les représentants du personnel peuvent :
Le Code du travail précise que les documents communiqués aux représentants des salariés au comité d’entreprise européen, au comité de la société européenne et comité de la société coopérative européenne, comportent au moins une version française.
Selon nous, le CSE doit refuser la remise d’informations dans une langue autre que le français. La mission du CSE est en effet d’assurer une expression collective des salariés, permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts, les échanges et les documents remis aux élus doivent être en français.
Frédéric PAPOT, Juriste - Atlantes Paris/Ile-de-France
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