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La plume de l'alouette
Novembre 2021

ANALYSE ATLANTES
La transition écologique s’invite timidement au menu des CSE et OS


Des dispositions légales au passage à l’acte ou comment s’emparer du nouveau dispositif et impliquer pleinement CSE, organisations syndicales et salariés dans les enjeux climatiques et environnementaux ?

 

La loi contre le dérèglement climatique (1) est récemment entrée en vigueur. Face à l’urgence, la tâche est lourde et chacun doit pouvoir à son niveau s’emparer des questions environnementales pour que ce texte ne constitue pas un nouveau un tigre de papier. Certains soutiennent, à juste titre sans doute, qu’il fallait aller plus loin en fixant des objectifs plus ambitieux et des règles plus contraignantes.

Préférant faire contre mauvaise fortune bon cœur, nous prenons le pari qu’il s’agit d’un début et que d’autres textes plus ambitieux suivront. Celui-ci existe. Faisons le vivre.

 

Des attributions et prérogatives complétées

 

• Aux CSE d’aborder les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise dans les décisions que celle-ci prend en matière économique, financière et sociale, et lors des trois consultations annuelles (orientations stratégiques, situation économique et financière, politique sociale, emploi et conditions de travail).

• Aux organisations syndicales de négocier la mise en place d’un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, pour répondre notamment aux enjeux de la transition écologique.

• D’enrichir la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) d’informations portant sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise.

• D’étendre la mission de l’expert-comptable aux éléments d’ordre environnemental.

Les angles d’attaque sont multiples et faute de disposer d’un cadre spécifique permettant de s’emparer de ce nouveau champ d’investigation, de nombreux élus risquent d’être effrayés par un tel Everest, d’autant que toute activité humaine est par nature polluante ou destructrice.

Que privilégier ? La qualité… de l’air ? de l’eau ? des sols ? de la nourriture ? de l’habitat ? La santé humaine ? Que faire lorsque l’on travaille dans une structure d’un secteur économique considéré de fait comme structurellement polluant ?

Loin de proposer des solutions clés en main, nous vous suggérons quelques pistes de réflexion pour que chacun fasse sa part à son échelle et dispose d’outils pour s’emparer prochainement de la question de l’impact sur l’environnement de l’activité de l’entreprise dans laquelle il travaille.

 

Un sujet à choix multiples

 

Raisonner sur le produit : Nous savons tous que la fabrication de produits nécessite d’utiliser en petite ou grande quantité des produits « toxiques » (pétrole et ses dérivés aussi bien dans la production industrielle que dans la chaîne alimentaire, pesticides et autres produits polluants dans la filière agroalimentaire). C’est l’un des axes sur lequel le CSE pourrait travailler afin de voir comment réduire ou éliminer la part de ces éléments dans la composition des produits fabriqués. Il ne faut pas hésiter, au nom de la transition écologique, à solliciter l’appui de la Ville, de la Région, de l’État et même de l’Union européenne. Les aides financières peuvent selon les projets s’avérer particulièrement conséquentes. 

Repenser la chaîne de distribution : Il s’agira ici de faire en sorte de privilégier les sociétés de transports ayant fait le choix d’investir dans une flotte de véhicules moderne et moins polluante. Certains prennent par ailleurs la décision de privilégier les circuits courts ou de travailler avec des structures « écoresponsables ».

Changer les habitudes au sein de l’entreprise : C’est sans doute le sujet qui peut paraître le plus facile à aborder. Tous les consommables utilisés à longueur de temps peuvent être passés au peigne fin afin de voir comment substituer un matériau polluant par un autre qui l’est moins, ou en changeant ses habitudes et comportements du quotidien. Une réflexion sur l’isolation ou la rénovation des lieux de travail permettra de réduire l’impact des variations de la température externe sur les conditions de travail et la facture énergétique. Favoriser le télétravail conduira inéluctablement à limiter les transports quotidiens et réduire de ce fait l’empreinte carbone liée à l’activité économique.

Hors les murs : Pourquoi ne pas s’intéresser à tous ces espaces qui bordent les lieux de travail et auxquels nous ne prêtons plus attention ? Les parkings peuvent aisément accueillir des arbres et protéger les voitures du soleil. Les toits et les murs des bâtiments constituent autant de supports capables d’accueillir de la végétation, des panneaux solaires et pourquoi pas des ruches. Les pelouses, uniformes et nécessitant un entretien peu conforme avec la préservation de l’environnement, pourraient également accueillir des potagers ou des herbes folles, et permettre à chacun le temps de la pause venue, de s’adonner au plaisir du jardinage (2)

À l’heure où les transitions collectives s’invitent dans le débat de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et poussent à privilégier les réflexions sur des périmètres régionaux et locaux, il sera aussi question de réfléchir à la mise en commun d’activités : transports, gestion territoriale des emplois et des compétences, restaurants inter-entreprise… C’est aussi une autre façon de lutter durablement contre les délocalisations.

 

Une méthodologie

Le CSE et les organisations syndicales seront en première ligne pour s’emparer de ces sujets et imposer le débat lorsque cela sera nécessaire. Il s’agira de trouver la bonne mesure, déterminer des indicateurs pertinents et fixer des objectifs à la fois ambitieux, réalistes et mesurables. L’expert-comptable sera un atout précieux dans cette démarche inédite.

Pour que celle-ci prenne tout son sens, il conviendra sans doute de réfléchir à la possibilité d’impliquer l’intégralité du collectif de travail. La mise en place de groupes de travail, d’ateliers de réflexion, de chartes de bonnes pratiques ou de cahiers blancs de l’environnement favorisera par ailleurs l’émergence d’une « culture de l’environnement ».

Au demeurant, rien n’interdit de créer une commission du CSE dédiée à ces travaux ou de réfléchir à la mise en place de coordinateurs ou référents environnement.

Chacun pourra procéder par sondages et enquêtes, ou organiser des rencontres avec des personnes impliquées sur ces sujets, de manière à sensibiliser tout un chacun sur l’importance de la situation (4).

Pour conclure : « Une économie en poursuite d’une croissance infinie se retrouve dans la même position que Sisyphe, condamné à pousser son PIB jusqu’à épuisement social (et écologique), et puis à recommencer. (5)  »

La marche est haute, mais l’enjeu mérite que chacun d’entre nous contribue à inverser, à son humble niveau, le sens des choses. Les biens communs constituent le plus petit dénominateur commun qu’il nous reste encore à partager.

À nous citoyens dans l’entreprise de penser à les préserver. Après, il sera trop tard !

 

Olivier CADIC / Directeur des activités juridiques et de conseil - Atlantes

 

(1) Loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets - JORF - 24 août 2021

(2) Pour exemple, les salariés d’un parc d’attraction bénéficient de nombreux espaces vacants du site pour réaliser des activités de jardinage.

(3) Extrait de « Polluants industriels > Salariés en danger » de Jacqueline De Grandmaison - Éditions de l’Atelier - Octobre 2017

(4) À titre purement indicatif : « L’humanité en péril » de Fred Vargas - J’ai Lu - 2020

« L’avenir des simples » de Jean Rouaud - Grasset - 2020

« Petit manuel de résistance contemporaine : récits et stratégies pour transformer le monde » de Cyril Dion - Actes Sud Coll. Domaine du possible - 2018

(5) Thimothée Parrique (docteur en sciences économiques, auteur d’une thèse sur la décroissance « The Political Economy of Degrowth, 2019 » - Journal Le Monde - Édition datée des 26 et 27 septembre 2021

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